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Bygmalion : le bal des sourds-muets mal-voyants - Lettre politique #101
Quelle bande ! Le procès « Bygmalion », du nom de cette société qui organisa la campagne du président-candidat Sarkozy en 2012, fait défiler à la barre les principaux responsables de cette piètre équipée, marquée par un dépassement maousse (près de 100%) du plafond de dépenses autorisé, et camouflé subséquemment par un système de fausses factures qui imputait fictivement à l’UMP, dirigée par Jean-François Copé, une grande partie des frais engagés au service du candidat de la même UMP, Nicolas Sarkozy.
Or cette facturation frauduleuse, mise au jour par des investigations de presse, confirmée par l’enquête de la justice, débouche sur une comédie judiciaire où tous les protagonistes, sauf un, se défaussent de leur responsabilité sur leur voisin. Seul le directeur-adjoint de la campagne, Jérôme Lavrilleux, plus honnête, ou moins cynique, a reconnu sa responsabilité, à la différence de tous les autres prévenus. À écouter leurs déclarations au procès en cours, on a affaire à un film muet joué par des acteurs sourds et aveugles, auquel il manque de surcroît l’image. Comme le dit la présidente du tribunal, interrogeant l’ancien président de la République : « La difficulté, M. Sarkozy, c’est que votre directeur de campagne dit qu’il se reposait sur l’UMP, que la directrice financière de l’UMP dit qu’elle ne s’occupait que des ressources humaines, que le président de l’association de financement dit qu’il n’avait pas le temps, le trésorier qu’il n’avait pas les factures et les experts-comptables qu’ils n’avaient qu’un rôle de représentation. Alors je me retourne vers vous et je m’interroge. Qui fait quoi ? »
La lettre politique de Laurent Joffrin | S'abonner
Nicolas Sarkozy n’a signé aucune facture et, dit-il, ignorait tout de la combine, jusqu’au nom de la société qui organisait ses meetings. Pourtant pas vraiment novice en politique et donc au fait des questions de financement d'une campagne, il ne serait pas inquiété du coût lié à l'organisation de ses meetings spectaculaires, dont les images tranchaient tant avec ceux, plus classiques, des autres candidats. Sarkozy pointe plutôt un doigt vengeur sur son ennemi Copé, accusé à mots couverts d’avoir siphonné l’argent de la campagne pour son propre compte. Son directeur de campagne affirme n’avoir rien su, pas plus que les responsables de l’UMP, à commencer par Jean-François Copé, que la justice a blanchi préalablement. Quant aux responsables de Bygmalion, ils se sont contenté d’exécuter les ordres donnés par Lavrilleux.
Bref le délit, désormais établi par la justice, n’a ni responsable, ni coupable, ni ordonnateur, ni même exécutant conscient. Courageusement, les chefs, petits et grands, nient toute implication, laissant retomber la faute sur les petits et les sans-grades, qui n’en peuvent mais. Un bel exemple de responsabilité assumée... Pour rendre une décision claire, la justice doit maintenant prouver que tel ou tel était bien au courant de la manipulation. Tâche pour le moins ardue en l’absence de document probant attestant de l’implication directe de ceux qu’elle soupçonne. On se demandera ensuite pourquoi, devant un tel spectacle, l’opinion tient les responsables politiques en si petite estime...