COP 26 : capitalisme fossile ou socialisme vert - Lettre politique #117

Laurent Joffrin | 02 Novembre 2021

Les solennels aréopages réunis au chevet de la planète – G20 à Rome, COP 26 à Glasgow – ont quelque chose d’uniforme et de décourageant. La même rhétorique revient comme un leitmotiv, sur un rythme ternaire : la catastrophe arrive, les dirigeants font des efforts, ils sont insuffisants. Autour de ce triptyque sont bâtis la quasi-totalité des articles de presse qui rendent compte des débats. N’était l’urgence de la crise climatique, ennui garanti…

Pour pimenter cette monotone déploration, on fustige en général la légèreté des dirigeants ou l’inconscience des peuples, qui s’obstinent à regarder ailleurs quand la maison brûle ou se contentent de jeter quelques seaux d’eau sur l’incendie. À moins qu’on ne se répande en imprécations ou en menaces de procédures judiciaires qui risquent fort de faire long feu.


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Ce psychologisme à la Greta Thunberg est un peu court. Un facteur permet de politiser la discussion et de comprendre mieux cette permanence dans la pusillanimité écologique. Les mêmes élites qui tiennent toujours le haut du pavé, dans le privé comme dans le public, ont été formées depuis quarante ans dans l’idée que le marché sans entraves, le libre-échange commercial, la latitude aussi grande que possible laissée aux chefs d’entreprise, étaient la clé du succès économique et donc celle de la domination politique. Avec des variantes – plus sociale en Europe continentale, plus libérale dans le monde anglo-saxon, combinant autoritarisme politique et laissez-faire économique en Asie – cette foi dans la « main invisible » a façonné la mentalité des puissants de la planète.

Or la lutte pour le climat impose des politiques exactement contraires. Sans intervention énergique de l’État, point de mutation écologique ; sans planification, point de stratégie anti-carbone à long terme ; sans redistribution, point de consensus, puisque les plus modestes n’accepteront pas de faire seuls les sacrifices (voir les « gilets jaunes »), alors même que ce sont les plus riches qui ont le plus pollué la planète, et de loin. Bref, le marché laissé à lui-même est incapable de remédier à la situation, il faut l’encadrer par une ferme volonté collective. Traduisons ces impératifs en termes politiques : quoi qu’en pensent les dirigeants de la planète élevés au libéralisme, sans retour en force de l’État, sans prélèvements obligatoires accrus et sans interventions publiques vigoureuses, il n’y aura pas de victoire sur le dérèglement climatique. Loin des chantres de la décroissance, il est possible d’organiser une relance verte, à condition qu’elle soit sociale et maîtrisée. Si l’on veut dire les choses de manière plaisante : les élites biberonnées au capitalisme fossile doivent se convertir au socialisme vert. On comprend que devant une apostasie aussi douloureuse, nos excellences hésitent ou se réfugient dans la procrastination…

 

Voir nos premières propositions via le lien :
https://www.engageonsnous.org/organiser_une_relance_verte_temps_des_possibles

 

Laurent Joffrin

À propos de

Président du mouvement @_les_engages