Faiblesse des dictatures

Laurent Joffrin | 22 Septembre 2022

L’annonce de la mobilisation d’une réserve de 300 000 hommes par Vladimir Poutine doit d’abord être prise pour ce qu’elle est : un incroyable aveu de faiblesse. Qui aurait pu l’imaginer il y a seulement six mois, au début de la guerre ? Il faut tout de même rappeler que la plupart des experts militaires craignaient à l’époque un effondrement rapide de l’armée ukrainienne, une avancée fulgurante des troupes russes jusqu’à Kiev et le remplacement du gouvernement en place par une équipe fantoche inféodée à la Russie.

Ces prévisions ont ensuite été rectifiées au fil des opérations, quand il est apparu que la résistance ukrainienne était très supérieure à tout ce qui était anticipé et que l’armée russe était minée par la démoralisation de ses soldats, les erreurs du commandement et la désorganisation dramatique de sa logistique. A cela s’est ajoutée la cohésion du camp des démocraties et l’efficacité des armes livrées en masse au gouvernement de Kiev par les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN. Après avoir cru à l’écrasement d’un petit pays courageux par une armée irrésistible, les Occidentaux se demandent maintenant s’ils n’assistent pas à la réincarnation au cœur de l’Europe du mythe de David et Goliath.

Pour toutes ces raisons, les menaces extravagantes une nouvelle fois formulées par le dictateur russe doivent laisser de marbre les dirigeants des démocraties. Négocier avec Poutine ? Ce serait à ce stade récompenser l’agresseur, d’autant qu’il n’exige rien moins que la capitulation des Ukrainiens et la cession pure et simple des territoires convoités par la Russie. Rappelons également que la logique de la dissuasion nucléaire repose sur le risque pour l’agresseur de subir une réplique immédiate. Tout signe de faiblesse en ce domaine ne ferait que l’encourager.


La lettre politique de Laurent Joffrin | S'abonner


L’erreur constante des dictateurs, c’est le mépris pour la liberté. Les régimes autoritaires croient toujours que les nations démocratiques sont affaiblies par le scrupule juridique, par la peur du conflit, que les sociétés qu’ils attaquent sont décadentes et par là-même pusillanimes. L’exemple de l’Ukraine, qui a choisi de se rapprocher du modèle démocratique européen et qui a pour président un ancien acteur comique, montre une nouvelle fois que cette croyance ne repose sur rien. Comme l’écrivait Raymond Aron, les démocraties, en général pacifiques, ont du mal à accepter l’idée de la guerre, mais si elles sont agressées, leur population se mobilise mieux que celle des dictatures. Les réactions d’un grand nombre de Russes à la mobilisation décrétée par Poutine – manifestations hostiles, fuite en avion vers d’autres pays - en sont la preuve. Nulle raison, donc, de changer de stratégie. La démocratie ukrainienne a le droit de se défendre : il faut continuer de l’aider. La négociation viendra ensuite.

 

Crédit photo :  La Libre.be


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La Réserve fédérale américaine relève une nouvelle fois ses taux. Mécaniquement, le coût de financement de la dette française augmentera à terme, faisant peser de nouvelles charges sur le budget national. Dans ces conditions, la gauche peut-elle éviter une révision de ses projets de dépense publique ?

 

Dans le prochain Disney, l’actrice qui incarne Ariel, la Petite Sirène, est noire. Wokisme galopant ? Le flot de commentaires racistes qui a accueilli la nouvelle sur les réseaux fait réfléchir. Après tout, le personnage d’Ariel est fictif et légendaire, pourquoi devrait-elle nécessairement avoir la peau blanche ? Par fidélité à l’oeuvre originale ? Argument douteux : dans la précédente version, Disney avait radicalement changé l’histoire pour introduire un « happy end » qui n’existe pas dans le conte d’Andersen. Personne n’a protesté à l’époque. Ce n’est donc pas la liberté d’interprétation qui gêne les contempteurs de la nouvelle version, mais l’apparition d’une actrice afro-américaine. Cette fidélité à l’auteur est donc à géométrie variable et dissimule mal une réaction essentiellement raciste.

Laurent Joffrin

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Président du mouvement @_les_engages