La gauche et la police - Lettre politique #92

Laurent Joffrin | 18 Mai 2021

La gauche anti-flics ? La gauche laxiste ? La manifestation de soutien à la police républicaine organisée ce mercredi montre que ces clichés ânonnés par la droite et l’extrême-droite n’ont aucun sens.

Olivier Faure du PS, Fabien Roussel du PCF, Yannick Jadot de EE-LV et nombre de militants ou responsables de ces trois formations seront présents dans le défilé. Seule la France insoumise annonce s’abstenir, non qu’elle refusât de soutenir les policiers, mais parce qu’elle craint un mauvais accueil. Il est vrai que certaines déclarations à l’emporte-pièce de Mélenchon n’ont guère facilité le dialogue…


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En d’autres termes, la gauche de la raison et de l’action sait qu’elle a besoin d’une police républicaine pour assurer le respect de la loi et ne souscrit en aucune manière à certaines diatribes qui tendent à mettre tous les policiers dans le même sac de la brutalité et du racisme. Elle connaît aussi les chiffres qui montrent, sans argutie possible, que les violences contre les personnes tendent à augmenter sur le moyen terme et que ces actes de violence touchent en priorité les classes populaires. La délinquance n’est pas seulement une transgression de la loi. Elle est un puissant facteur d’inégalité dans la société française.

Mieux : un consensus peut désormais se dégager dans les plateformes programmatiques pour accroître les moyens policiers, comme le propose notre mouvement « Engageons-nous ». Toute la gauche rappelle que c’est Nicolas Sarkozy qui a réduit les effectifs policiers – rétablis ensuite sous le quinquennat Hollande – et supprimé la « police de proximité ». Les effectifs ont de nouveau diminué depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir, avec 1 100 gendarmes et policiers en moins depuis fin 2017… bien loin des annonces du Président de la République, qui en promettait 10 000 supplémentaires à la fin de son quinquennat. À gauche, Fabien Roussel propose d’accroître de 30 000 les effectifs policiers ; les Engagés et d’autres forces demandent aussi bien la création d’une « police de la tranquillité publique » présente dans les quartiers, notamment les plus difficiles.

À cela il faut ajouter que les moyens de la justice sont terriblement insuffisants, ce qui ralentit d’autant le prononcé et l’exécution des peines. Ces retards font perdre à la sanction une grande partie de sa vertu pédagogique et laissent les victimes dans la frustration et le sentiment d’injustice. La France a trois fois moins de juges que l’Allemagne en proportion de sa population. Cette situation doit être corrigée au plus vite.

Ce qui ne dispense pas la puissance publique de consacrer aussi ses moyens à la prévention et à l’accompagnement social de la lutte contre la délinquance. Tout comme il faut sanctionner sans complaisance les fautes policières ou les manifestations de racisme qui se font jour ici et là dans la police. Là aussi, des propositions ont été formulées. « Engageons-nous » propose de rendre indépendante l’IGPN (le corps d’inspection de la police), de manière à dissiper tout soupçon qui pourrait peser sur l’impartialité d’une instance qui fait aujourd’hui partie intégrante du ministère de l’Intérieur et qui devrait en être détachée.

C’est par la mise en œuvre de cette politique équilibrée – qui tranche avec le tout-répressif seriné à tout propos par la droite et l’extrême-droite – qu’on peut à terme espérer faire reculer une violence qui frappe d’abord les plus fragiles. En cette matière donc, c’est par une politique de gauche adaptée aux enjeux d’aujourd’hui qu’on a le plus de chances de faire reculer la délinquance.

Laurent Joffrin

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Président du mouvement @_les_engages