La triple leçon russe, iranienne et chinoise

Laurent Joffrin | 28 Novembre 2022

L’universalisme, idée ringarde ? Les droits humains, paravent du néo-colonialisme occidental ? L’identité, paradigme des temps nouveaux, qui ruine la prétention des démocraties du nord à offrir un modèle planétaire ? Cet air du temps plutôt malsain, cette antienne des faux réalistes, sont contredits avec éclat par l’actualité. Quoi de commun, en termes culturels, civilisationnels, identitaires, entre une mère russe, un étudiant chinois et une femme iranienne ? Rien sur le plan de l’éducation, de la religion ou de l’appartenance nationale. Pourtant les trois, au même moment, et pour des causes similaires, défient à mains nues, avec un courage inouï, les autorités de leur pays. Une grande partie des Russes, les mères en particulier, mais bien d’autres, protestent contre une guerre injuste imposée au peuple par un régime nationaliste et répressif. Une large fraction des Chinoises et des Chinois s’insurgent contre un enfermement arbitraire imposé au nom de la politique anti-Covid par un régime nationaliste et répressif. Une grande partie du peuple iranien rejette l’obligation faite aux femmes de porter le voile par une théocratie nationaliste et répressive. Nulle concertation subreptice, nulle intervention occidentale, nulle influence néocoloniale dans ces insurrections populaires et spontanées. Seulement la volonté élémentaire de vivre libre, de faire reculer l’arbitraire, de peser sur le destin de leur nation. La preuve est de nouveau faite : les droits humains ne sont pas une invention du Nord, une doctrine hypocrite agitée par les dominants, une manière oblique d’uniformiser le monde sous la férule occidentale. Seulement la révolte élémentaire d’une humanité qui souffre sous la botte des dictateurs, l’aspiration simple et irrépressible à la liberté. Un sentiment partagé sous toutes les latitudes, au sein de toutes les civilisations. Les droits humains sont le bien commun des opprimés. Et l’identité érigée en principe absolu, l’arme des tyrans.

 

Crédit photo :  Dreamstime

 


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ET AUSSI

 

Le flop de Rousseau

Un petit 13,5%. C’est le score miniature obtenu par Sandrine Rousseau dans le scrutin sur les motions en lice pour le congrès d’Europe-Écologie-Les Verts. Ainsi celle qui avait fait l’actualité de la rentrée à coups de punchlines provocantes et de dénonciations télévisées hasardeuses a été désavouée par 86,5%  des militants de son propre parti. Ainsi le wokisme flamboyant qui a amusé le tapis pendant des semaines est ramené à sa réelle influence politique. Ainsi la radicalité qui serait l’avenir de la gauche subit une douche froide au sein de la formation verte.

 

Le blitz de Poutine

Faute de pouvoir repousser les forces ukrainiennes à l’offensive, l’armée de Vladimir Poutine bombarde régulièrement les infrastructures énergétiques du pays agressé dans le but de soumettre les populations civiles à l’épreuve du froid et de l’obscurité à l’approche de l’hiver, tuant au passage ceux des Ukrainiens qui ont la malchance de se trouver près des points d’impact. Cette tactique de terreur en rappelle une autre : faute de pouvoir anéantir les avions de la RAF qui défendaient la Grande-Bretagne en 1940, l’aviation de Goering s’est lancée dans une campagne de bombardements de terreur visant les villes britanniques. Avec une différence : les Alliés ont ensuite répliqué en bombardant les villes allemandes, ce que les Ukrainiens se retiennent de faire en territoire russe, pour limiter les risques d’escalade. Le parallèle éclaire un peu mieux le conflit en cours, où Poutine n’hésite pas à imiter la stratégie des forces aériennes de Hitler. Mais cet effrayant parallèle historique comporte une autre leçon : le Blitz mené contre les Britanniques pendant la Deuxième Guerre Mondiale n’a jamais entamé la volonté de résistance du peuple britannique. Jusqu’à preuve du contraire, il en va de même en Ukraine.

Laurent Joffrin

À propos de

Président du mouvement @_les_engages