Le message des Iraniennes

Laurent Joffrin | 27 Septembre 2022

La lutte des femmes iraniennes contre la tyrannie religieuse, réprimée avec une cruelle violence par les autorités de Téhéran, mérite soutien, louange, et solidarité active. Elle permet aussi, au passage, de tirer quelques leçons utiles de philosophie politique élémentaire.

Par leur courage, leur pertinence, leur intelligence, les femmes révoltées contre cette dictature cléricale réfutent chaque jour la pensée identitaire qui ne cesse de monter en puissance dans les démocraties, à l’extrême-droite, mais aussi, hélas, à la gauche de la gauche.

Selon les théoriciens du nationalisme ethnique, qui inspirent souvent l’extrême-droite européenne, mais aussi selon les thèses décoloniales dont une partie de l’extrême-gauche se réclame de plus en plus, la philosophie des droits humains qui domine la culture politique des nations démocratiques (souvent occidentales), fondée sur l’existence de droits individuels applicables partout dans le monde (universels, donc), tend à nier les identités particulières, à uniformiser les sociétés, à réprimer ou à mépriser les cultures non-occidentales et ressortit donc d’une forme plus ou moins insidieuse de colonialisme. Elle servirait de paravent à des formes de domination qui favorisent l’hégémonie de l’Occident dans le monde, héritée de la période coloniale.

L’ennui, c’est que l’exemple iranien montre exactement le contraire. Le régime des mollahs prétend défendre l’identité iranienne contre l’influence de l’Occident en imposant par la force une version oppressive du chiisme, dont la manifestation la plus visible est l’obligation faite aux Iraniennes de porter le voile islamique. Cette obligation est mise en oeuvre par les moyens les plus brutaux : on déplore déjà plusieurs dizaines de morts depuis le début de la révolte. À l’inverse, les femmes iraniennes veulent être libres de ne pas porter la voile, liberté qui est la traduction concrète, dans la vie quotidienne, de la liberté de conscience, l’un des droits fondamentaux stipulés dans les chartes des droits humains mises en avant par l’ONU et les grandes nations démocratiques (qui ne sont pas toutes occidentales…).


La lettre politique de Laurent Joffrin | S'abonner


Colonialisme subreptice ? En aucune manière : ces femmes sont évidemment fières d’être iraniennes et, autant qu’on puisse en juger, d’être musulmanes. Elles ne plaident pas pour on ne sait quelle soumission aux principes venus de l’ouest. Citons l’un de leurs slogans : « Je me bats, je meurs, je récupère l’Iran ». Elles aspirent seulement à plus de tolérance, plus de liberté, ce qui est un réflexe - souvent majoritaire, parfois minoritaire - qu’on retrouve partout dans monde, en Afghanistan, en Russie, à Hong-Kong, en Chine, en Égypte, en Tunisie, comme en Iran. Les droits humains sont une référence universelle et non une culture particulière imposée par certaines nations à d’autres. Ce qui veut dire que la « politique de l’identité », malheureusement en progression constante au nord et au sud, est avant tout - qu’elle le proclame ou non - un auxiliaire de la tyrannie ou, si l’on préfère, une ennemie de la liberté.

 

Crédit photo :  La Libre.be


Et aussi

 

Sandrine Rousseau accuse sur France 5 Julien Bayou de violence psychologique envers sa compagne, qui a fait une tentative de suicide. Aussitôt, l’accusé est mis « en retrait » de la direction des Verts, puis doit démissionner de sa fonction. De quoi est-il coupable ? On ne sait au juste. A-t-il enfreint la loi ? Non, semble-t-il. A-t-il harcelé, s’est-il acharné, a-t-il tous les torts ? C’est possible mais on n’en sait pas plus. A-t-il été entendu par la cellule de EELV chargée de traiter les cas de violence faite aux femmes ? Non. Mais Rousseau a abaissé son pouce : Bayou est donc coupable ; il est annulé (canceled). Un exemple de ce qu’il faut bien appeler « la justice woke ».

 

« Un pays où rien ne marche » : la formule est désormais courante chez les Britanniques pour désigner leur propre pays. C’est un fait que les services publics vont mal et que la plupart des indicateurs économiques et sociaux sont au rouge. Au pouvoir depuis 12 ans, portant donc la responsabilité principale de cet échec retentissant, les conservateurs ont décidé de réduire les impôts et de libéraliser un peu plus leur économie, réduisant d’autant l’intervention publique et les protections sociales des travailleurs, déjà inférieures à ce qu’elles sont dans les autres démocraties. Rappelons que le Brexit, mis en œuvre par les mêmes conservateurs, a été décidé pour protéger les mêmes travailleurs…

Laurent Joffrin

À propos de

Président du mouvement @_les_engages