Leçons du "Zoom de la Gauche" - Lettre politique #58

Laurent Joffrin | 08 Février 2021

Émiettée, la gauche ? Éparpillée, la gauche ? Irréconciliable, la gauche ? En invitant une douzaine de partis, de mouvements, de clubs de l’arc républicain et socialiste à un « zoom » commun – Covid oblige – pour deux heures de discussion ouverte, libre, à égalité, nous venons de démontrer le contraire. Quels enseignements tirer de ce premier échange public, suivi en direct par plus de 1000 citoyens ?


La lettre politique de Laurent Joffrin #58 | S'abonner


Certains croient d’abord à la République, d’autres à la démocratie, les uns soulignent d’abord l’impératif écologique, d’autres veulent avant tout rénover la précieuse tradition socialiste, d’autres encore se soucient surtout des générations futures et du « monde désirable » qu’il faut construire. Mais tous, au fond, convergent : hisser la gauche à la hauteur des défis futurs, renouveler les propositions, trouver la voie d’une action commune. Telle était la volonté unanime.

Qu’est-ce que la gauche, au fond ? Il y a un an, six mois même, le bruit médiatique sous-entendait qu’il n’y avait plus de réponse à cette question existentielle. La gauche était déjà remplacée : l’écologie comme doctrine de substitution, le souverainisme comme césure décisive, le populisme comme recours, le communautarisme décolonial comme boussole : on cherchait autre chose, on cherchait ailleurs.

Aujourd’hui tout change. Dans la crise qui secoue la planète, face aux excès du capitalisme mondialisé, dans une France gouvernée par la verticalité technocratique, les valeurs de solidarité, d’égalité, d’intervention publique et de mobilisation civique reprennent toutes leurs couleurs. Il s’agit, selon les préceptes qui fondent la gauche, de maîtriser un avenir commun, en se guidant sur le principe de justice sociale, sans lequel toute transition écologique, tout progrès vers un monde meilleur sont voués à l’échec. Toutes les interventions de dimanche, lors de ce « zoom de la gauche », se référaient à cette culture commune.

Cela s’est vérifié dans le débat que nous avons tenu autour de la crise démocratique. Chacun souscrit au diagnostic : il faut régénérer nos systèmes démocratiques minés par le discrédit des élites, par le fossé qui s’est creusé entre représentants et représentés. Le peuple se sent, pour partie, hors les murs. À cette humiliation, il faut répondre d’urgence. Pas seulement par des bonnes paroles, mais par des réformes, par des procédures nouvelles.

Certains en tiennent pour une Ve République réformée, qui maintienne l’élection du président au suffrage universel mais organise l’intervention des citoyens. D’autres penchent vers une République plus parlementaire, qui reflète mieux la diversité des conceptions et des attentes. Certains défendent la primauté des élus sur les interventions citoyennes, d’autres estiment que la République doit accepter d’être aiguillonnée, bousculée même, par des procédures de démocratie directe. On sent bien qu’entre ces modalités différentes, qui enrichissent le débat, un socle commun existe : tenir la promesse démocratique, récuser les oukases de la monarchie républicaine – ce tropisme de la Ve – bref, rendre la République aux citoyens. 

Cette discussion doit aboutir à une force commune. Laquelle ? Chacun à son idée sur la question, mais ces idées ne sont pas forcément très éloignées. Coordination ? Fédération ? Coalition ? Alliance ? Parlons-en. Certains préparent un rassemblement à l’automne, d’autres veulent d’abord élargir le cercle de la gauche, d’autres encore pointent la nécessité d’associer les forces militantes issues de la société. Tous ont raison.

Nous, Engagé.e.s, prônons le dialogue immédiat, la vérification des valeurs communes, la construction patiente, mais urgente, d’un projet commun. La gauche de l’action doit se réunir, s’armer de ses idées, mettre ses propositions sur la place commune, aborder tous les sujets, qu’ils fâchent ou qu’ils rassemblent. Nous avons six mois pour agir. Ensuite viendra le temps de la présidentielle. Aujourd’hui, nul besoin d’un sauveur suprême. Débattons du fond. La forme – et la candidature – viendront de surcroît.

 

La vidéo du « Zoom de la Gauche » est disponible en intégralité sur la chaîne YouTube des Engagé.e.s.

Laurent Joffrin

À propos de

Président du mouvement @_les_engages