Le Pen, la menace fantôme - Lettre politique #55

Laurent Joffrin | 28 Janvier 2021

Marine Le Pen à 48% d’intentions de vote du deuxième tour, face à Emmanuel Macron… Chiffre redoutable. L’enquête, signée Harris Interactive, est restée secrète, même si elle a été consultée par plusieurs journalistes. La raison de cette discrétion ? Pour un spécialiste, cité par L’Express, c’est parce que la marge d’erreur du second tour, dans ce type de sondage, est importante. Si l’on comprend bien, donc, Marine Le Pen pourrait aujourd’hui, virtuellement, passer la barre des 50%. Chiffre effrayant.


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On dira qu’un sondage présidentiel à quinze mois du scrutin, avant toute campagne ou pré-campagne, n’a pas grande signification. Certes. Mais tout de même. Au premier tour, dans la même enquête, la cheffe du RN arrive nettement devant l’actuel président. Un autre sondage, IFOP-Fiducial cette fois, publié il y a quelques jours, la créditait déjà de 45% des intentions de vote au second tour (contre 36% en 2017). Les deux indices convergent, même si leur force prédictive est très faible : tel Raminagrobis, Marine Le Pen, sans coup d’éclat ni roulement de tambour, les yeux mi-clos et parlant doucement, se tient en embuscade, ronronnant et se fortifiant dans son immobilité.

Si la tendance se précise, il faudra bien en tirer quelques leçons. La première est claire : dans cette hypothèse, Emmanuel Macron ne sera plus le rempart qu’il prétend être face à la montée du national-populisme. Il garde sa base pour le premier tour. Mais au second, danger ! Une partie de la droite refusera de voter pour lui et rejoindra les légions puissantes de l’intolérance autoritaire et xénophobe. Quant à l’électorat de gauche, c’est son abstention face au dilemme Macron-Le Pen qui accroît la menace RN. Macron, ce faux bouclier de la République.

Dans ce paysage modifié, la droite classique se sent confortée. Si l’un ou l’une de ses champions ou championnes se hissait au second tour, cette candidature pourrait bloquer l’hémorragie des électeurs conservateurs vers le RN et, par quelques clins d’œil sociaux à l’électorat de gauche, bénéficier d’un report progressiste. Xavier Bertrand, Valérie Pécresse, ou même Edouard Philippe, pourraient faire fond sur ce calcul.

Et la pauvre gauche, réduite dans ce scénario à jouer les spectatrices ou les supplétives ? Un autre sondage a fait l’effet d’une douche froide. Il en ressort qu’Anne Hidalgo plafonne à 6%, Yannick Jadot à 7% et Jean-Luc Mélenchon candidat déclaré à 11%. Pas de quoi pavoiser… Au total, la gauche réunit environ un quart de l’électorat. C’est qu’une partie de son électorat est toujours chez Macron, et l’autre réfugiée dans l’abstention. Dans ces conditions, il n’est qu’une seule voie possible : renouveler les thèmes et les propositions pour reconquérir l’ancienne influence ; explorer avec opiniâtreté les voies de l’unité. Travail de fourmi ou travail de Romain, comme l’on veut. Rien n’est perdu, à vrai dire. La crise de la Covid a donné raison à une gauche qui demandait un retour de l’État et de la dépense publique. La domination du laissez-faire vacille, rejetée par les peuples qui en ont assez d’être exposés à la concurrence de tous contre tous, d’être sacrifiés aux intérêts d’une minorité privilégiée.

Quinze mois avant l’échéance, dans toutes les élections présidentielles, les scénarios convenus ont été désavoués. Encore faut-il agir pour les faire mentir. C’est la route que trace notre mouvement les Engagé.e.s, en soumettant 100 propositions au débat.

Laurent Joffrin

À propos de

Président du mouvement @_les_engages