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Leçon du 10 mai - Lettre politique #89
La victoire de Mitterrand, de l’histoire ancienne ? Pour partie oui, bien sûr. Et pourtant…
En quarante ans, la France et le monde ont changé, la société n’est plus la même, la planète est bouleversée par le dérèglement climatique et la nouvelle donne géopolitique. Certes. Mais à quarante ans de distance, certaines leçons résonnent de manière étrangement contemporaine, comme l’ont montré les débats fort bien organisés pour cette commémoration par Didier Le Bret et « Génération demain ».
La lettre politique de Laurent Joffrin | S'abonner
Pour gagner, dit-on, il faut unir la gauche. Elle ne l’était pas en 1981. Voyant le PS le surpasser, le Parti communiste avait décidé de casser cette unité qui ne lui profitait pas. C’est la fermeté de Mitterrand face aux demandes incessantes du PCF qui a rassuré l’électorat. C’est le faible score du même PCF au premier tour et la force symétrique de la gauche réformiste qui ont assuré la victoire au second. Aujourd’hui, c’est la faiblesse de cette même gauche de gouvernement qui obère les chances de succès, autant que le manque d’unité. Perdant de très peu en 1974, François Mitterrand avait travaillé soigneusement sa crédibilité et celle du PS, tout en conservant l’esprit de rupture et de renouveau contenu dans le défunt Programme commun. Une gauche de rupture mais une gauche crédible : c’est l’alliance de ces deux facettes, de cet avers et de ce revers, qui a conduit le candidat socialiste à l’Élysée.
Certes le PS avait à l’époque tiré les leçons de la nouvelle culture politique née en mai 1968, en adoptant le programme « Changer la vie ». Il avait aussi admis, au terme d’un difficile compromis, une partie des demandes présentées par le PCF. Mais en écartant l’étatisation complète de l’économie, tout comme la rupture avec l’Europe exigée en filigrane par les communistes. Et c’était dix ans auparavant. Dix années pendant lesquelles la gauche avait régulièrement manqué le coche, même de peu. En 1981, nulle « montée irrésistible des luttes », nul mouvement social ou sociétal impérieux. Au contraire, une polémique incessante entre anciens partenaires, une division interne au socialisme, la deuxième gauche décrétant la première « dépassée », un réquisitoire contre « l’archaïsme » en politique visant directement François Mitterrand, une désaffection des intellectuels de gauche, qui pour beaucoup prenaient les socialistes de haut et leur préférèrent même, un temps, la candidature d’un Coluche, dérisoire et désabusée. Aujourd’hui, gauche radicale et écologistes, médias et intellectuels, jugent une nouvelle fois le socialisme désuet…
François Mitterrand a dû à son opiniâtreté, à sa résilience face aux assauts, à son habileté tactique, une victoire qui semblait impossible en 1980, face à un Giscard moderniste et sûr de lui. L’inversion des courbes d’intentions de votes n’apparut que tardivement, trois mois avant le scrutin, à la faveur d’une campagne bien maîtrisée, d’une division de la droite et d’une aspiration à l’alternance que le giscardisme avait négligées.
Quelle leçon pour aujourd’hui ? Un an avant, rien n’est écrit. Même en basses eaux, la gauche garde une chance. Un projet de transformation sociale ambitieux et réaliste, un ou une candidat(e) crédible : à ces conditions, oui, l’espoir peut renaître.