Mélenchon dans ses œuvres - Lettre politique #91

Laurent Joffrin | 13 Mai 2021

Depuis quelques semaines, Mélenchon jouait les raminagrobis, chattemite et patelin. Il revient à sa vraie nature, toutes griffes dehors. Pour d’obscures raisons de non-alliance dans certains départements, voilà qu’il sort le grand jeu polémique contre le reste de la gauche.

Le parti Vert ? « Les écologistes ont un avenir aussi longtemps qu’on ne les voit pas à l’œuvre. (…) Que veut dire une écologie politique qui transige avec les multinationales (…) ? Le capitalisme écologique de bonne volonté, ça n’existe pas. » Et les socialistes ? « Ils incarnent la résistance à la nouveauté. Ces appareils, très largement effondrés, sont restés pétrifiés dans le passé. Le PS, social libéral, est promis à une extinction plus ou moins rapide. »  Voilà qui fait toujours plaisir. À l’entendre, on se demande pourquoi il regrette si fort de ne pouvoir s’allier avec des gens aussi peu recommandables. Somme toute, il a dit sa vérité : le reste de la gauche ne vaut rien, inutile de s’en rapprocher, il faut la détruire.


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Sur le fond, c’est toujours la même rengaine. S’arrogeant le monopole de la « vraie gauche », le lider maximo juge les Verts et les socialistes trop arrangeants avec « le système », trop prudents, trop conciliants. Trop mous, quoi… Éternel procès intenté aux réformistes par la gauche radicale. Jaurès, Blum, Mendès, Mitterrand, Jospin, Hollande ont tous été soumis au même traitement sectaire, accusés de ménager le capitalisme, de préférer les réformes au grand soir, de se couler dans les institutions, en un mot de trahir le peuple.

Ce qui élude une question toute simple : mais qu’a fait au juste la gauche radicale pour le peuple ? La réponse vient vite : rien. Campé sur sa radicalité douillette, elle a exercé le ministère de la parole, ou plutôt, dans le cas de Mélenchon, le ministère de la diatribe. À son actif, aucune réforme, aucune décision en faveur des classes populaires, aucun acquis social. Qui a réduit le temps de travail, accru les droits des travailleurs, renforcé la protection sociale, modernisé la société, accru les impôts de riches ? La gauche réformiste – ou gauche d’action – sous les quolibets des gourous de la radicalité, lesquels dénigrent toute avancée sociale quand elle se produit, pour s’en instituer les grands défenseurs si la droite les menace.

Mélenchon se réclame d’un programme de rupture qui a un seul défaut : il ne s’est jamais appliqué. Pour la bonne raison, en fait, qu’il est inapplicable et qu’il est incapable de rallier une quelconque majorité. Jamais, dans le siècle, la gauche radicale n’a gagné une seule élection. Toujours c’est sous la direction des réformistes qu’un gouvernement de gauche a pu agir. La « vraie gauche » a le grand privilège de ceux qui n’ont jamais rien fait : elle peut tout dire. Ce qui la met en bonne position pour insulter ses partenaires tout en leur reprochant de ne pas s’allier avec elle.

Ce qui nous ramène à une lancinante question : sans un pôle rationnel, responsable, réformiste, la gauche est unijambiste. C’est seulement quand ce pôle sera reconstitué qu’on pourra parler unité et espoir. 

Laurent Joffrin

À propos de

Président du mouvement @_les_engages