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Parlement : le socialisme fantôme
La NUPES, coalition de gauche à l’Assemblée, a choisi Éric Coquerel, député LFI, pour présider la prestigieuse et puissante commission des Finances, plutôt que la socialiste Valérie Rabaut. La députée PS avait évalué à une cinquantaine de milliards les dépenses nouvelles occasionnées par le programme de sa candidate, tandis qu’Éric Coquerel avait défendu un projet chiffré à 250 milliards. La lutte était inégale…
Spécialiste des questions budgétaires, ancienne rapporteure du Budget, Valérie Rabaut prenait en compte, pour limiter les dépenses, l’endettement massif du pays et son abyssal déficit extérieur. Pusillanimes considérations pour LFI, qui voit le budget de l’État comme une corne d’abondance. On dira que Coquerel a de l’expérience, qu’il maîtrise le sujet et que s’il est élu, il sera mis en face des réalités financières françaises et devra revenir à une conception plus rationnelle. Est-ce si sûr ? Il a aussitôt annoncé qu’il défendrait bec et ongles le programme de son parti. Or LFI maintient ses projets de dépense et estime que la Banque centrale européenne, sous la menace d’une crise européenne, devra renoncer au remboursement de la dette des États, transformée en rente perpétuelle sans intérêt. Aussi bien, les économistes insoumis (aux chiffres…) jugent une partie de cette dette « illégitime » et suggèrent de l’effacer unilatéralement. Si les créanciers protestent, il suffira de dénoncer la « dictature des marchés ». Cette banqueroute partielle a peu de chances de renforcer le crédit international de la France… Coquerel suivra-t-il cette voie ? Ou bien sa compétence l’emportera-t-elle, in fine ? Suspense…
La lettre politique de Laurent Joffrin | S'abonner
Opposé à Jean-Philippe Tanguy, du Rassemblement national, Coquerel a été élu, manifestement grâce à l’abstention de la droite républicaine. On doit s’en féliciter : mieux vaut la gauche radicale que l’extrême-droite. Mais cette candidature et cette élection ont un sens politique. Elles consacrent la domination de LFI sur la gauche parlementaire. Dans cette affaire, le sérieux budgétaire des socialistes s’est dilué dans les eaux tumultueuses de la radicalité. On dira aussi que cet impérium insoumis reflète les scores électoraux réalisés respectivement par les partis de gauche. Ce qui est exact.
L’ennui, c’est que ce genre de décision confirme l’effacement du PS, qui se change en simple supplétif apportant une caution réformiste à la NUPES. Le parti ressemble de plus en plus à un vaisseau fantôme dont la silhouette flotte en fond de décor sur une scène occupée par LFI. Les Verts et le PCF commencent à trouver que ce monopole est dangereux. Pas le PS, qui pense sans doute équilibrer les Insoumis par sa propre soumission.
Toujours plus obéissant et trouvant sans doute que ses militants sont trop nombreux, il menace maintenant d’exclure ceux qui se rebellent contre une NUPES mélenchonisée. Quelque 80 dissidents sont traduits en commission des conflits : comme disait Lénine, le parti se renforce en s’épurant. Il est vrai qu’il était déjà tombé très bas. On ne voit pas comment il pourrait se relever s’il abandonne tout discours autonome.