On se moque volontiers, en ces temps populistes, des « sachants », des « compétents », des « têtes d’œuf » coupées des réalités charnelles, ou encore des professionnels de la politique censés vivre en circuit fermé. On a parfois raison. Mais il ne s’ensuit pas que l’ignorance soit une vertu. Certes, la connaissance des dossiers ne suffit pas en politique. Mais leur méconnaissance est rédhibitoire.

C’est ce qui vient d’arriver à Christiane Taubira lors de sa prestation devant la Fondation Abbé Pierre consacrée aux questions de logement. Flottante et inconsistante face à une question sur les minimas sociaux et le seuil de pauvreté, elle a fait contraste avec les autres impétrants, toutes et tous auteurs de prestations diverses mais bien informées. C’est un fait que la littérature est bienvenue en politique, tant la langue utilisée par les responsables de tous bords est souvent banale et incertaine. Mais à s’en tenir à des périodes sonores, on court le risque de sonner creux.

La lettre politique de Laurent Joffrin | S'abonner

Ce qui jette une lumière crue sur l’opération Taubira lancée à l’occasion de la « primaire populaire ». Mal préparée, la candidate est surtout l’oriflamme d’une entreprise de démolition des partis traditionnels à gauche, comme une vidéo interne des organisateurs du scrutin l’ont bien montré. Au rebut le PS, EELV, le PCF ou LFI ! La puissance du peuple installé derrière ses écrans numérique devait balayer ces organisations vermoulues, composées de militants à l’ancienne, de colleurs d’affiche et de distributeurs de tracts cacochymes, tous objets de musée. Moyennant quoi, on aurait substitué aux partis une organisation nouvelle, faite d’adhérents recrutés à la faveur de cette fausse primaire, bientôt dotée d’un programme, parrainant des candidats aux législatives, affublé d’une direction et de porte-parole. Un parti politique, quoi… En somme, une candidate de plus pour un parti de plus. Était-ce une bonne idée ?