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Proposition pour une planification et un pilotage efficaces de la lutte pour le climat

Les Engagé.e.s | 09 Janvier 2022

Face à la menace climatique, refuser l’échec, bâtir en commun les conditions du succès

 

RESUME

Plus de 40 années après la première conférence sur le climat, durant lesquelles les scientifiques nous ont alertés de manière croissante sur la gravité du dérèglement climatique à venir, la prise de conscience de l’urgence à agir est désormais partagée par le plus grand nombre d’entre nous[1].

Cependant, face aux conséquences potentiellement dramatiques pour l’humanité que ce dérèglement entraîne, nous n’avons pas réussi à engager pleinement la mutation du modèle de développement qui en est à l’origine.

S’il est habituel de considérer, certainement à raison mais aussi avec facilité, que la cause de nos retards est imputable à une action publique hésitante, il faut reconnaître que la nature et l’ampleur des transformations à opérer pour préserver les chances des générations futures à vivre en paix ne font pas l’objet dans la société du niveau de consensus minimal que nécessiterait leur mise en œuvre. Pour des raisons qui tiennent à la complexité des mutations à opérer, aux craintes légitimes qu’elles peuvent susciter pour chacun, aux incertitudes de notre monde (au premier rang desquelles la question de l’accès aux ressources), la vision collective de la cible à atteindre, du chemin à parcourir et des conditions à satisfaire reste extrêmement fragmentée.

Alors que cette situation devrait nous inciter à élaborer un projet commun partagé, il semblerait que nous n’arrivions pas à concevoir l’action collective autrement que sous la forme d’une addition de mesures ponctuelles, chacune exposée aux pressions des différents groupes d’intérêt particulier, tour à tour attaquée par des accusations caricaturales, entre « écologie punitive et décroissantiste » et « écologie techno-solutionniste ».

Tentant d’échapper à ces accusations, l’action publique se retrouve ainsi coincée dans la recherche d’une voie moyenne « raisonnable » aux effets malheureusement incertains, soumise au risque de la procrastination.

 

Face à cette situation, la proposition formulée ici vise à adopter une méthode nouvelle qui s’écarte de la tentation d’écrire par avance le plan d’actions parfait, somme de mesures sectorielles et de mesures d’accompagnement, pour adopter un principe d’action basé sur une planification de la mutation écologique qui entraîne la société tout entière dans un processus démocratique rationnel apte à saisir les enjeux de long terme et l’action immédiate.

Elaborée à partir d’un examen détaillé des pratiques actuelles de l’action publique mais également des nombreuses initiatives encourageantes qui émergent de la société civile, cette proposition retient 5 principes fondamentaux devant soutenir la planification et le pilotage de l’action publique en faveur du climat :

 

1 – Formalisée par un Plan Stratégique Climat – Energie – Ressources (remplaçant la Stratégie Nationale Bas Carbone actuelle pour l’élargir aux enjeux d’énergie et de ressources, et associant la stratégie de long terme et l’ensemble des plans d’actions de cours et moyen terme), la planification de l’action publique en faveur du climat devra être adoptée au travers d’un processus de délibération collective, démocratique et solidaire, associant la société civile (CESE) et une participation citoyenne large, intégrant l’action territoriale et soumis au contrôle et à la validation du Parlement.

 

2 – L’élaboration du Plan Stratégique Climat – Energie - Ressources s’appuie sur un ensemble d’analyses prospectives diversifiées. Ces analyses, menées sous le double objectif de l’atteinte de la neutralité carbone en 2050 et de la préservation de l’emploi, devront refléter une variété d’options stratégiques et évaluent les conditions de faisabilité technique, économique, géopolitique, sociale associées. Ces études seront menées par l’Etat (au sein de l’administration et par délégation auprès de l’Ademe, de RTE…) et par les acteurs de la société civile volontaires (exemples : The Shift Project, négaWatt).

 

3 – La mise en œuvre du Plan Climat – Energie - Ressources devra faire l’objet d’une évaluation périodique par le pouvoir exécutif, soumise à la validation du Parlement. Ce rendez-vous périodique (annuel ou tous les deux ans) comportera en cas d’écart un plan de retour à l’objectif. Le Parlement disposera de moyens d’audit des résultats présentés et associera à ce contrôle une participation de la société civile et une participation citoyenne.

 

4 – Le Plan Climat – Energie - Ressources devra faire l’objet d’une révision quinquennale conduite dans des conditions identiques à sa définition initiale. Cette révision est rendue nécessaire par les incertitudes nécessairement associées aux choix initiaux. Ces incertitudes sont de multiples natures : technique, géopolitique, sociale et nécessiteront de maintenir une veille prospective permanente.

 

5 – La coordination de l’action menée nationalement et de l’action régionale devra être assurée au travers de mécanismes favorisant la rencontre d’un mouvement remontant des constructions locales des plans climat et un mouvement descendant de l’Etat, au travers par exemple d’une instance de dialogue Régions / Etat analogue au modèle des COP pour les négociations internationales. Cette concertation pourra aller jusqu’à la conclusion de « contrats » entre l’Etat et les Régions dans lesquels seront formalisés les contributions respectives de l’Etat et des Régions à l’atteinte des objectifs nationaux et de leurs déclinaisons régionales.

 

En conclusion de ce résumé, il apparaît tout à fait essentiel d’indiquer que cette proposition devrait permettre de répondre à deux enjeux politiques majeurs.

En premier lieu, elle nous semble de nature à répondre aux attentes de nos concitoyens, et plus particulièrement de la jeunesse dont l’anxiété grandit à mesure que les conséquences du dérèglement climatique et écologique se précisent et qui, ne croyant plus dans les solutions prêtes à l’emploi des partis, perdent confiance dans la politique et s’en détournent.

En second lieu, elle peut apporter à la gauche sociale-démocrate sur le sujet de la mutation écologique, dans la recherche des alliances à gauche et avec les écologistes en particulier, une méthode de gouvernement ambitieuse et crédible qui ne l’enferme pas dans une négociation ligne à ligne sur un ensemble de mesures ponctuelles (au-delà des mesures d’urgence qui sont à prendre) mais qui au contraire repose sur les valeurs de solidarité et de raison que nous portons ensemble.

 

Conscients de la nécessité de poursuivre la définition de détail de cette proposition mais aussi de réussir à l’exprimer comme un projet politique puissant, nous appelons tous ceux que ces perspectives motivent à nous rejoindre pour y travailler.

 

 

 I. CONTEXTE

L’accord de Paris, approuvé en 2015 par 195 pays sur les 197 que reconnaît l’ONU, a fixé pour objectif de « contenir d’ici à 2100 le réchauffement climatique nettement en dessous de 2°C par rapport aux niveaux préindustriels et de poursuivre l’action pour limiter l’augmentation des températures à 1,5°C ».

La France, artisan de la COP 21 et signataire de cet accord, a choisi en application de celui-ci d’adopter une feuille de route définissant une trajectoire de réduction de ses émissions de gaz à effet de serre conduisant à la « neutralité carbone » à l’horizon 2050.

À ce jour, quel bilan pouvons-nous tirer du respect par la France de l’ambition affichée ? Comment nous situons-nous sur le chemin que nous avons choisi d’emprunter ? Quel jugement pouvons-nous porter sur la façon dont l’action publique est élaborée, conduite et contrôlée ? Et face aux constats que nous pouvons formuler, quelles remises en cause devons-nous opérer ?

L’examen de ces questions, basé sur l’état des lieux présenté en annexe, conduit à poser les constats suivants :

  1. L’évaluation de l’efficacité des politiques publiques au regard de la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre est insuffisante. L’impact des mesures prises, qu’elles soient de nature législative, réglementaire ou budgétaire, n’est pas systématiquement évalué et, lorsqu’il l’est, la méthodologie employée manque de robustesse[2]. De plus, il n’existe pas de méthode ni d’outil de consolidation de l’ensemble des impacts évalués. Dans ces conditions il est impossible de savoir si les politiques publiques mises en œuvre ou envisagées sont en ligne avec la trajectoire définie. Cette absence d’instruments de mesure ôte toute possibilité de vérification de l’efficacité attendue des politiques menées, cette carence générant pour le public une incertitude préjudiciable à sa mobilisation sur notre capacité à atteindre nos objectifs.[3]

  2. Si la trajectoire recherchée de réduction des émissions de gaz à effet de serre est certes affichée dans la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC), le pouvoir exécutif n’est que très faiblement contraint de mener une politique en ligne avec cette ambition. La création du Haut Conseil pour le Climat a bien permis d’apporter une évaluation régulière de la politique du Gouvernement, mais aucune obligation réglementaire n’est faite à celui-ci de produire un plan d’actions opérationnel permettant de respecter les budgets carbone de court terme[4]. De fait, l’absence d’outil d’évaluation des mesures de politiques publiques mentionné dans le constat précédent en interdit la définition.

  3. Les exigences de reddition des comptes par le pouvoir exécutif de son action devant le Parlement restent également très limitées. Ainsi le pouvoir exécutif est-il conduit à « répondre » aux observations qui lui sont faites (par le HCC pour la SNBC, par la Cour des comptes pour la loi « Climat et Résilience »). Cette forme de reddition de compte par le pouvoir exécutif, « sur interpellation », relève d’un exercice de sa responsabilité exécutive beaucoup trop faible au regard des enjeux de la lutte pour le climat, là où une reddition des comptes devant le Parlement, pro-active et systématique, devrait s’imposer. S’agissant des plans d’action climat ministériels, le Parlement est aujourd’hui ignoré[5].

  4. Un quatrième constat porte sur les conditions dans lesquelles la Stratégie Nationale Bas Carbone que nous connaissons a été établie et présentée. Elaborée sous le pilotage du ministère de la Transition écologique et solidaire, et malgré plusieurs consultations, elle apparaît aujourd’hui comme un « donné » incontournable et intangible à partir duquel les choix à réaliser se limiteraient au rythme à donner ou aux priorités à établir. Nous devons pourtant réaliser que la SNBC résulte de choix politiques fondamentaux, issus d’une certaine vision de la France en 2050 que la SNBC n’explicite pas clairement. Et pourtant, à l’écoute des débats qui traversent l’opinion, on se rend compte que cette vision n’est pas fondée sur un consensus large. Des divergences majeures existent, pour le dire succinctement, entre une vision fondée sur la priorité donnée à la sobriété – voire à la décroissance – et une vision fondée sur les promesses du progrès technologique[6]. Aussi faute d’avoir créé les conditions d’une délibération sur la vision et les choix fondamentaux qui sous-tendent la SNBC, la définition des plans d’action opérationnels et leur déploiement sont fortement handicapés. L’importance de l’analyse prospective et de la délibération démocratique pour la construction d’un scénario stratégique de référence est ici posée.

  5. Enfin, il est nécessaire de pointer quelques évènements ou phénomènes positifs récents ou à l’œuvre sur lesquels nous pouvons nous appuyer. Le premier est celui de la Convention Citoyenne pour le Climat (CCC) qui, malgré des critiques justifiées[7], a apporté la démonstration de l’efficacité de cette forme de participation sur ce sujet complexe de la lutte pour le climat. Sous réserve de prise en compte des enseignements de la CCC, ce type de participation doit être pérennisé. Ensuite il apparaît également essentiel de souligner les initiatives dynamiques de la société civile au premier rang desquelles, et même sans en partager toutes les orientations, on peut mentionner les analyses prospectives du Shift Project ou de négaWatt qui viennent complémenter le travail prospectif majeur de l’Ademe. L’ensemble de ces travaux prospectifs ouvre, avec d’autres, un champs passionnant à la délibération collective qui peut nous aider à reprendre confiance dans notre capacité à construire notre avenir et ne pas simplement le subir.

 

II. PROPOSITION

II.1 Enjeux

Les constats énoncés précédemment révèlent que nous courons un risque majeur d’échec de l’action collective en faveur du climat, du fait des faiblesses multiples de son organisation, alors même que nous disposons de nombreux atouts nous permettant de redresser la barre[8].

L’objectif de la proposition présentée est, nous appuyant sur l’expérience acquise et sur notre détermination à refuser l’échec, de créer les conditions nous permettant de prendre, dans les faits, le virage de la transition bas-carbone. Elle repose sur la conviction que l’urgence de la situation commande d’adopter, pour la période critique qui s’ouvre, des orientations ambitieuses et ne peut justifier de les repousser encore.

Ces orientations sont les suivantes :

  • La planification et le pilotage de l’action publique en faveur du climat doit s’appuyer sur un schéma logique, précis et compréhensible par tous. Ce schéma doit exprimer la nécessité de tracer une perspective de long terme et permettre les adaptations que l’expérience et les nouvelles connaissances imposeront.
  • La définition des plans d’actions et le contrôle de leur mise en œuvre supposent des méthodes rigoureuses et des instruments précis, permettant aux acteurs institutionnels d’assumer pleinement leurs responsabilités.
  • L’importance des mutations à engager nécessite d’associer dans une relation de confiance réciproque et réactive le pouvoir politique, la société civile et les citoyens

 

II.2 Nature de la proposition

La présente proposition précise les dispositions nécessaires au respect des orientations fondamentales présentées. Le niveau de détail de leur définition est suffisant pour s’assurer de leur faisabilité tout en laissant à la concertation et également à l’expérience le soin d’en valider les modalités les plus fines.

Il n’est donc pas question ici de proposer une boîte à outils prête à l’emploi de mesures appelées à composer, par exemple, un texte de loi.

En revanche les dispositions avancées peuvent être lues comme le cahier des charges pour le prochain pouvoir élu qui, s’en étant emparé et le mettant en œuvre, en assurera le moment voulu la pérennisation.

 

II.3 Présentation des dispositions principales de la proposition

Les dispositions proposées sont synthétisées comme suit :

Disposition n°1 – Inscrire l’action collective de la lutte contre le réchauffement climatique dans un cycle quinquennal en 3 phases :

a.     Une phase d’analyse prospective, comprenant :

·       sur le premier cycle, l’analyse de scénarios d’étude visant la neutralité carbone en 2050 et représentatifs des différentes alternatives envisageables qui devrait conduire à valider, amender ou refonder la SNBC ;

·       sur les cycles suivants, une veille prospective à partir des résultats obtenus et des dernières connaissances acquises : scientifiques, techniques, économiques, sociologiques…

b.     Une phase de décision politique, soumise à la validation du Parlement :

·       adoptant, pour le premier cycle, un scénario de référence, puis l’actualisant pour les cycles suivants à la lumière de l’efficacité des mesures antérieures et du progrès des connaissances ;

·       validant les orientations stratégiques correspondant à ce scénario de référence ;

·       définissant les plans d’action opérationnels à court et moyen terme composés de l’ensemble des mesures législatives, réglementaires et budgétaires envisagées pour respecter la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre du scénario de référence.

L’ensemble de ces trois éléments constitue le Plan Stratégique Climat – Energie – Ressources.

c.     Une phase de mise en œuvre, jalonnée de bilans réguliers dont la définition est établie ci-après.

 

Disposition n° 2 - Fixer les modalités d’un suivi robuste des plans d’action, basées sur les principes suivants :

a.     Une méthodologie transparente d’évaluation et un outil de consolidation de l’impact attendu des mesures de politiques publiques (législatives, réglementaires, budgétaires) sur la tenue de la trajectoire de neutralité carbone.

b.     Une reddition des comptes systématique sur la conduite des plans d’action, par le pouvoir exécutif, devant le Parlement, comprenant, le cas échéant, la présentation d’un plan de retour à l’objectif suivie d’un vote.

 

Disposition n° 3 – Mobiliser la participation citoyenne dans ce processus

Au travers du CESE et d’une convention citoyenne, en appui du Parlement :

a.     Lors de la phase de décision politique définie par la proposition 1, portant sur la définition du scénario de référence, des plans stratégiques et des plans d’action.

b.     Dans le cadre de la validation des bilans de mise en œuvre (voir proposition n°1 c).

 

II.4 Précisions sur les différentes phases du cycle quinquennal

Soulignons que le cycle décrit constitue d’abord une formalisation claire d’un processus déjà à l’œuvre mais peu maîtrisé.

  • Phase d’analyse prospective

L’analyse prospective (proposition n°1 a) consiste à élaborer une variété de scénarios d’étude contrastés, chacun cohérent avec l’objectif de la neutralité carbone en 2050

Chaque scénario est défini par l’énoncé d’une vision cible caractérisée en termes d’activité économique, de flux de ressources et d’énergie, d’emploi et par une évaluation des conditions pour y parvenir.

Les différents scénarios d’étude représentent différentes options stratégiques majeures[9].

Cette analyse prospective est menée séparément par deux types d’acteurs sous la maîtrise d’ouvrage du ministère qui garantit l’homogénéité des méthodologies, avec l’appui des directions techniques du ministère :

  • L’Ademe en maître d’œuvre ;
  • Les acteurs de la société civile en partenaires.

L’ensemble de ce travail devra, avant présentation au débat politique, avoir fait l’objet de revues par des pairs dans des conditions transparentes.

Le travail prospectif mené par les services de l’Etat est continu et jalonné par une révision quinquennale.

  • Phase de décision politique

Cette phase est menée suivant le processus décrit par le schéma suivant :

Phase_de_décision_politique_

Les principes guidant ce processus sont les suivants :

  • Le Gouvernement établit le Plan Climat – Energie – Ressources sur la base de l’expérience acquise et des apports de l’analyse prospective, en vue de sa mise en œuvre ultérieure
  • Le Parlement en débat et le valide
  • Le CESE et une Convention citoyenne contribuent à la délibération en soutien du Parlement

Ces principes appellent les remarques suivantes :

Durée du processus de décision

Comme indiqué dans l’énoncé de la disposition 1, le Plan Climat – Energies – Ressources comprend à la fois le scénario de référence, les orientations stratégiques associées et les plans d’action opérationnels. Cette présentation est en partie simplificatrice car le scénario de référence et les plans d’action opérationnels ne peuvent pas, en pratique, être élaborés strictement simultanément. Néanmoins, la capacité à produire un plan d’action opérationnel nous plaçant rapidement sur la bonne trajectoire est une garantie de la validité du scénario de référence et des orientations stratégiques retenus.

Souligner cette nécessité appelle donc à s’interroger sur la durée de cette phase. En première analyse, sur la base de l’expérience récente et compte tenu du relatif échec des politiques passées, on peut juger qu’elle sera de deux ans environ sur le premier cycle. Si cette durée peut paraître longue, il faut la mettre en regard de l’ambition et de la portée de l’exercice. Par ailleurs, cette seule considération ne peut être une raison suffisante pour renoncer au dispositif mais devra inciter à établir soigneusement les conditions à réunir pour en assurer l’efficacité et, si possible, en comprimer le délai.

Précisons également que cette phase de délibération et de décision n’impose pas d’attendre son terme pour mettre en œuvre les décisions jugées urgentes. La capacité à concilier ces deux nécessités, décider sous l’urgence et planifier avec rigueur, est une exigence politique.

Enfin la durée estimée de deux ans pour le premier cycle sera d’autant plus réduite sur les cycles suivants que la trajectoire bas-carbone programmée aura bien été suivie.

Contenu des « plans d’action opérationnels »

Une difficulté de l’action en faveur du climat est qu’elle joue sur de multiples leviers. L’expérience montre qu’elle peut nécessiter de nouvelles mesures législatives, mais surtout qu’elle engage des mesures strictement opérationnelles à la main du pouvoir exécutif. De plus ces mesures sont rarement de finalité exclusivement « climatique » et de nombreux ministères sont concernés. Les « Plans d’action climat ministériels » en cours d’élaboration correspondent en cela à l’orientation visée à condition d’en corriger deux défauts : ils ne font l’objet ni d’une validation ni d’un suivi devant le Parlement et ne font pas la démonstration qu’ils permettent de suivre la trajectoire bas-carbone programmée.

Evaluation de l’impact carbone des mesures de politique publique programmées et consolidation au regard de la trajectoire bas-carbone

Ce point est probablement le plus difficile à résoudre techniquement, pour deux raisons essentielles. En premier lieu l’évaluation de l’effet sur les émissions de gaz à effet de serre d’une mesure, en cours ou programmée, peut être entachée de grandes incertitudes. En second lieu, les mesures concernées sont très nombreuses et leur recensement peut être lourd. Il faut reconnaître ces difficultés non pour renoncer à les affronter mais précisément pour évaluer les moyens à consacrer pour les surmonter. Quel que soit le résultat de cette évaluation, celle-ci devra permettre de calibrer le dispositif envisagé, entre la précision recherchée et le coût de la mise en œuvre, mais sûrement pas nous conduire à renoncer. Renoncer reviendrait à admettre que nous pouvons conduire la politique bas-carbone sans visibilité et à tolérer le risque de creuser l’écart entre les objectifs et les résultats.

Participation du CESE et d’une convention citoyenne

De nombreuses questions peuvent être soulevées sur cette participation.

Nous ne reviendrons pas ici sur les conditions à réunir pour réussir une convention citoyenne, qui sont bien identifiées (voir annexe).

Il est plus important de s’interroger sur la pertinence d’une nouvelle convention citoyenne alors que nous sortons d’une première expérience perçue comme lourde et par certains côtés décevante, mais dont il ne faut cependant pas sous-estimer la portée et le potentiel démocratiques pour l’avenir.

C’est un véritable problème qui doit inciter, non à repousser cette participation qui est une opportunité[10] et non un poids, mais à le résoudre. De nombreuses possibilités s’offrent à nous, au premier rang desquelles on peut envisager deux évolutions importantes. La première évolution est d’associer le CESE, représentatif de la société civile trop faiblement associé lors de la précédente concertation, et un groupe de citoyens tirés au sort. La deuxième évolution est d’articuler finement cette participation avec le Parlement, de sorte que celui-ci y trouve un avantage et non la perçoive comme un affaiblissement de son rôle. Cette évolution serait cohérente avec l’orientation promue par certains d’une évolution des missions du député vers l’animation de la participation citoyenne. (voir le rapport de la mission parlementaire d’information sur la concrétisation des lois, présenté en annexe).

  • Phase de mise en œuvre

La phase de mise en œuvre de chaque cycle est jalonnée de deux bilans : un bilan intermédiaire et un bilan final.

Les règles liées à ces bilans sont les suivantes :

  • Ces bilans sont établis par le pouvoir exécutif et présentés à l’approbation du Parlement. Ils sont établis suivant des modalités convenues à l’avance sur la base, en particulier d’indicateurs de suivi
    • des orientations stratégiques
    • des plans d’actions ministériels
    • de la mesure de l’impact consolidé des plans d’actions sur la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre
  • Le Parlement dispose de moyens lui permettant d’auditer la sincérité des bilans produits par le pouvoir exécutif.
  • En cas d’écart à l’objectif sur un bilan intermédiaire le pouvoir exécutif présente à la validation du Parlement un plan de retour à l’objectif.
  • En cas d’incapacité à présenter un tel plan ou d’en obtenir la validation, le pouvoir exécutif relance une procédure de révision du « Plan Climat Energie Ressources » dans les modalités définies pour son élaboration.
  • Le CESE et une convention citoyenne sont sollicités en soutien du Parlement.

 

  • Vision calendaire des cycles

Vision_calendaire_cycle_Note_B_Cogne_Planif_et_Pilotage

 

II.5 Articulation entre l’action nationale pour le climat et l’action territoriale

A l’échelle régionale, les Régions que la loi du 27 janvier 2014 a érigées en « cheffes de file du climat » sont tenues d’élaborer un Schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) au sein duquel doivent être définis des objectifs de moyen et long terme en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

La déclinaison opérationnelle des objectifs régionaux au niveau infra-régional des intercommunalités et des communes est élaborée au travers des Plans climat-air-énergie territoriaux (PCAET).

Le diagnostic porté par de nombreuses instances comme le Haut Conseil pour le Climat[11] ou le cabinet Carbone4[12] conclut à la nécessité de renforcer la coordination dans l’élaboration et le suivi des objectifs entre le niveau national et le niveau régional en intégrant davantage les régions à l’élaboration de la SNBC et en s’assurant de la cohérence des objectifs régionaux avec ceux de la SNBC.

Carbone4 propose à cette fin la création d’une instance nationale de dialogue Etat-Régions inspirée du modèle des COP pour les négociations internationales visant à concilier le mouvement remontant des co-constructions territoriales et le mouvement descendant formé de la déclinaison des objectifs nationaux et de l’impact des mesures de politique nationale.

Nous reprenons cette proposition à notre compte en proposant que ce travail de conciliation entre SNBC et SRADDET soit consolidé au travers d’un contrat Etat-Région élaboré pour chaque région et dans lequel seraient formalisées les contributions respectives de l’Etat à l’atteinte des objectifs régionaux et inversement.

 

II.6 Sujets non traités

Nous avons choisi de ne pas traiter le sujet des instances de contrôle ou de suivi de l’action publique sur le climat et plus globalement de la transition écologique. Le foisonnement apparent de ces instances ne semble être que le symptôme d’une action publique mal maîtrisée (voir inventaire en annexe) et pas la cause de nos retards. Cette question, qui suppose un état des lieux précis, est secondaire à ce stade.

 

 Auteur : Benoit Cogné

 

ANNEXE

CONSTATS RELATIFS A LA CONDUITE DE LA TRANSITION BAS CARBONE

1 – Revue des dispositions nationales de la lutte pour le climat depuis 2015

Loi de Transition Energétique pour une croissance verte

Loi Climat – Energie

Stratégie Nationale Bas Carbone

Haut Conseil pour le Climat - Avis sur la SNBC et sur l’évaluation des lois au regard du climat

Programmation Pluriannuelle de l’Energie

Convention Citoyenne pour le Climat

Loi Climat et Résilience

Questionnement relatif aux principes de la reddition des comptes par l’exécutif

2 – L’analyse prospective

A compléter

3 – Les acteurs publics de la transition écologique

4 – L’action territoriale (SRCAE, PCAET)

A compléter

5 – Les initiatives de la société civile

CPIE, tiers lieux…

A compléter

 

1. REVUE DES DISPOSITIONS NATIONALES DE LA LUTTE POUR LE CLIMAT DEPUIS 2015

Historique_Planif_Bas_Carbone_Note_B_Cogne_Planif_et_Pilotage.png 

1.1 LOI DE TRANSITION ENERGETIQUE POUR UNE CROISSANCE VERTE

  • Rappels

https://www.ecologie.gouv.fr/loi-transition-energetique-croissance-verte

LTECV publiée au JO le 18/08/2015

Objectif : Permettre à la France de contribuer plus efficacement à la lutte contre le dérèglement climatique et à la préservation de l’environnement, ainsi que de renforcer son indépendance énergétique tout en offrant à ses entreprises et ses citoyens l’accès à l’énergie à un coût compétitif

  • Contenu

Reprise des éléments de présentation synthétiques

Objectifs de moyen et long terme

  • Réduire les émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1990 et 2030 et diviser par quatre les émissions de gaz à effet de serre entre 1990 et 2050 (facteur 4). La trajectoire est précisée dans les budgets carbone ;
  • Réduire la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 par rapport à la référence 2012 en visant un objectif intermédiaire de 20 % en 2030 ;
  • Réduire la consommation énergétique primaire d’énergies fossiles de 30 % en 2030 par rapport à la référence 2012 ;
  • Porter la part des énergies renouvelables à 23 % de la consommation finale brute d’énergie en 2020 et à 32 % de la consommation finale brute d’énergie en 2030 ;
  • Porter la part du nucléaire dans la production d’électricité à 50 % à l’horizon 2025 ;
  • Atteindre un niveau de performance énergétique conforme aux normes « bâtiment basse consommation » pour l’ensemble du parc de logements à 2050 ;
  • Lutter contre la précarité énergétique ;
  • Affirmer un droit à l’accès de tous à l’énergie sans coût excessif au regard des ressources des ménages ;
  • Réduire de 50 % la quantité de déchets mis en décharge à l’horizon 2025 et découpler progressivement la croissance économique et la consommation matières premières.

La loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) favorise une croissance économique durable et la création d’emplois pérennes et non délocalisables :

  • Elle permet la création de 100 000 emplois à court terme (dont 75 000 dans le secteur de la rénovation énergétique et près de 30 000 dans le secteur des énergies renouvelables) et de plus de 200 000 emplois à l’horizon 2030 ;
  • Le PIB devrait profiter des efforts réalisés à hauteur de 0,8% en 2020 et 1,5% en 2030

Nouveaux outils de pilotage aux niveaux national et local

Niveau national

  • Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC)
  • Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE)
  • Et d’autres, s’appuyant sur la SNBC et la PPE : la stratégie de développement de la mobilité propre, annexée à la PPE, le plan de réduction des émissions de polluants atmosphériques, la stratégie nationale de recherche énergétique, la stratégie nationale de mobilisation de la biomasse.

Niveau local

  • Rôle de chef de file des régions dans le domaine de l’énergie en complétant les schémas régionaux climat air énergie (SRCAE) par des plans régionaux d’efficacité énergétique.
  • Plus les plans climat air énergie (PCAET) au niveau intercommunal

Mesures phares

  • Rénovation du parc de bâtiments existants
  • Amélioration de la performance énergétique et environnementale des bâtiments neufs
  • Développement des transports propres
  • Lutte contre le gaspillage et promotion de l’économie circulaire
  • Développement des énergies renouvelables
  • Renforcement de la sureté nucléaire
  • Simplification des procédures et clarification du cadre de régulation sur l’électricité
  • Lutte contre la précarité énergétique

 

Actions d’accompagnement de la loi LTCEV

  • AMI Plateformes de rénovation énergétique
  • Appel à projets Territoires zéro gaspillage zéro déchets
  • Appel à projets Territoires à énergie positive pour la croissance verte
    • Commentaire

La nouveauté remarquable de la LTECV est d’introduire des outils de gouvernance stratégiques, principalement la Stratégie Nationale Bas Carbone et la Programmation Pluriannuelle de l’Energie. Ces outils, conçus pour guider les politiques à moyen-long terme, doivent être actualisés périodiquement (tous les 5 ans). Toutefois le lien avec une démarche prospective amont, telle qu’elle se dessine aujourd’hui, n’est pas encore établi.

 

1.2 LOI ENERGIE CLIMAT

  • Rappels

https://www.ecologie.gouv.fr/loi-energie-climat

Adoptée le 8/11/2019

Objectifs ambitieux pour la politique climatique et énergétique française

  • La sortie progressive des énergies fossiles et le développement des énergies renouvelables ;
  • La lutte contre les passoires thermiques ;
  • L'instauration de nouveaux outils de pilotage, de gouvernance et d’évaluation de la politique climatique ;
  • La régulation du secteur de l’électricité et du gaz.
    • Contenu

Reprise des éléments de présentation synthétique

Réduire notre dépendance aux énergies fossiles et accélérer le développement des énergies renouvelables

  • Réduire de 40% la consommation d’énergie fossile à 2030
  • Arrêt de la production d’électricité à partir du charbon d’ici 2022
  • Installation obligatoire de panneaux solaires – entrepôts et bâtiments commerciaux
  • Sécuriser le cadre juridique de l’évaluation environnementale. 33% ENR en 2030. Budget de 71 Md€ sur la PPE (->2028)
  • Communautés d’énergies renouvelables
  • Soutien à la filière hydrogène

Lutter contre les passoires thermiques

  • Rénover toutes les passoires thermiques d’ici 10 ans
  • Interdiction d’augmentation des loyers des passoires thermiques
  • Audit énergétique obligatoire pour vente de passoire thermique, dès 2022
  • Seuil maximal de consommation d’énergie pour les nouvelles locations à partir de 2023
  • Obligation de travaux sur les passoires thermiques (atteindre la classe E) dans une loi d’ici 2028

Outils de pilotage, de gouvernance et d’évaluation de notre politique climat

  • Création du Haut Conseil pour le Climat, organisme consultatif indépendant qui évaluera la stratégie climatique de la France et l’efficacité des politiques mises en œuvre pour atteindre ses ambitions.
  • Confirmation de la SNBC comme outil de pilotage, révisée tous les 5 ans
  • Loi de programmation quinquennale à partir de 2023, élaborée en lien avec le HCC et fixant les objectifs suivants :
    • Energies renouvelables
    • Consommation d’énergie
    • Sortie des énergies fossiles
    • Niveaux des Certificats d’Economie d’Energie
  • Démarche de budget vert. Rapport annuel sur les incidences du PLF en matière environnementale
  • Amélioration du reporting environnemental des entreprises et des acteurs financiers

Maîtrise du prix de l’énergie

  • Possibilité pour le gouvernement de porter le plafond de l’accès régulé à l’énergie nucléaire historique (Arenh) de 100 à 150 TWh
  • Accès des fournisseurs d’électricité alternatifs à l’énergie nucléaire historique
  • Suppression des tarifs réglementés du gaz pour les nouvelles souscriptions, pour les contrats en cours, accès au tarif réglementé jusqu’en 06/2023
  • Accès au tarifs réglementés de l’électricité conservé pour les ménages et les microentreprises

Réduction de notre dépendance au nucléaire

  • Fermeture de Fessenheim à l’été 2020.
  • Réduction des capacités nucléaires existantes à 50% de la production en 2035

Lutte contre les fraudes aux CEE

  • Commentaire

La loi « Energie Climat » crée le Haut Conseil pour le Climat pour répondre aux besoins d’évaluation des politiques climatiques. La SNBC reste adoptée par Décret et ne fait l’objet ni d’une validation politique ni d’un suivi devant le Parlement.

La Programmation Pluriannuelle de l’Energie doit en 2023 être adoptée sous forme d’une loi actualisée tous les 5 ans. Il n’est pas prévu de loi de programmation analogue pour le climat.

 

1.3 STRATEGIE NATIONALE BAS CARBONE (SNBC)

https://www.ecologie.gouv.fr/strategie-nationale-bas-carbone-snbc

  • Rappels (repris du document de présentation de la SNBC)

Introduite par la Loi de Transition Energétique pour la Croissance Verte (LTECV), La Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC) est la feuille de route de la France pour lutter contre le changement climatique. Elle donne des orientations pour mettre en œuvre, dans tous les secteurs d’activité, la transition vers une économie bas-carbone, circulaire et durable. Elle définit une trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre jusqu’à 2050 et fixe des objectifs à court-moyen termes : les budgets carbone. Elle a deux ambitions : atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 et réduire l’empreinte carbone de la consommation des Français. Les décideurs publics, à l’échelle nationale comme territoriale, doivent la prendre en compte.

Adoptée pour la première fois en 2015, la SNBC a été révisée en 2018-2019, en visant d’atteindre la neutralité carbone en 2050 (ambition rehaussée par rapport à la première SNBC qui visait le facteur 4, soit une réduction de 75 % de ses émissions GES à l'horizon 2050 par rapport à 1990). Ce projet de SNBC révisée a fait l’objet d’une consultation du public du 20 janvier au 19 février 2020. La nouvelle version de la SNBC et les budgets carbone pour les périodes 2019-2923, 2024-2028 et 2029-2033 ont été adoptés par décret le 21 avril 2020.

Une stratégie élaborée collectivement

La SNBC a été co-élaborée par l’ensemble des services ministériels concernés, sous le pilotage du Ministère de la transition écologique et solidaire, en concertation étroite avec les parties prenantes (entreprises, ONG, syndicats, représentants de consommateurs, parlementaires, collectivités territoriales) par échanges itératifs tout au long de l’exercice d’élaboration, et avec le public lors d’une concertation préalable menée du 13 novembre au 17 décembre 2017.  

Elle prend notamment en compte les avis formellement émis par le Haut Conseil pour le climat, l’Autorité environnementale, le Conseil national de la transition écologique, l’Assemblée de Corse, les collectivités d’Outre-Mer et le Conseil national d’évaluation des normes.

Elle a fait l’objet d’une consultation du public du 20 janvier au 19 février 2020. 

La SNBC s’impose à tous les décideurs publics

La Stratégie nationale bas-carbone, si elle est engageante pour toutes les entreprises et tous les citoyens, s’adresse toutefois en priorité aux décideurs publics, qui doivent la prendre en compte (lien juridique). Ce lien de prise en compte s’applique aux échelons national, régional et intercommunal, y compris aux établissements publics, en métropole et dans les territoires ultramarins pour lesquels la stratégie s’applique : la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, la Réunion, Mayotte, l’île de Clipperton, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

Tous les cinq ans, la stratégie nationale bas-carbone fait l’objet d’un cycle complet de révision. Il comprend :

  • A partir du prochain cycle de révision, l’adoption avant le 1erjuillet 2023, puis tous les 5 ans, d’une loi quinquennale fixant les objectifs et priorités d’action en matière d’énergie et de climat après débat parlementaire,
  • La révision du scénario de référence de la stratégie et la définition d’un nouveau budget carbone,
  • La révision de la stratégie et de ses orientations,
  • La réalisation de consultations formelles en vue d’une adoption de la stratégie dans les 12 mois suivants l’adoption de la loi quinquennale.

La révision de la stratégie permet notamment l’adaptation du scénario de référence aux évolutions, notamment des connaissances (techniques, économiques, sociales et géopolitiques).

Cette révision s’appuie sur une évaluation rétrospective de la mise en œuvre de la stratégie nationale bas-carbone. S’appuyant sur un ensemble d’indicateurs  régulièrement actualisés, elle porte sur le respect des tranches annuelles indicatives du budget carbone de la période en cours, le respect des trajectoires du scénario de référence de la stratégie et le niveau d’intégration des orientations dans les politiques publiques. Cette évaluation permet d’identifier les éventuels écarts à la trajectoire et aux objectifs cibles et d’analyser leurs causes.

  • Champs de la SNBC

Concerne la politique d’atténuation du réchauffement climatique, pas l’adaptation. Voir le plan national d’adaptation au réchauffement climatique.

  • L’articulation de la stratégie nationale bas carbone avec les autres plans et programmes

Plan_Climat_Note_B_Cogne_Planif_et_Pilotage

  • Base d’élaboration

La stratégie nationale bas-carbone s’appuie sur les scénarios prospectifs énergie-climat-air. Ces scénarios sont produits tous les deux ans. Ils sont la référence pour l’élaboration de la Stratégie Nationale Bas Carbone et de la Programmation Pluriannuelle de l’Energie.

L’exercice d’élaboration des scénarios est piloté par la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), en lien avec le Commissariat général au développement durable (CGDD). Le ministère collabore également avec l’Ademe et peut recourir à des prestataires extérieurs (bureaux d’étude).

Le Commissariat général au développement durable a été associé pour la modélisation des secteurs tertiaire, transports ainsi que pour la modélisation macro-économique. L’Ademe a également été associée pour la modélisation des secteurs résidentiel, agriculture ainsi que pour la modélisation macro-économique.

Deux scénarios principaux ont été construits à l’horizon 2050 :

  • Un scénario « avec mesures existantes », dit AME, contenant toutes les mesures mises en œuvre en France avant le 1er juillet 2017 ;
  • Un scénario « avec mesures supplémentaires », dit AMS visant à respecter les objectifs énergétiques et climatiques de la France, en particulier l’atteinte de la neutralité carbone à l’horizon 2050.

C’est la trajectoire d’émissions de GES de l’AMS qui a permis de déterminer les budgets carbone, plafonds d’émissions définis par période de 5 ans jusqu’en 2033 dans la Stratégie nationale bas carbone.

Depuis décembre 2020 et en perspective de la révision de la SNBC programmée en 2023, l’Ademe réalise une étude prospective sur 4 scénarios reposant sur des choix politiques variés. (Voir le chapitre consacré à l’analyse prospective)

  • Validation

La SNBC a fait l’objet des consultations suivantes :

  • Avis du Comité d’experts pour la transition énergétique du 24/12/2018
  • Avis de l’autorité environnementale du 6/03/2019 et Mémoire en réponse
  • Avis du Conseil National de la transition écologique du 18/04/2019
  • Rapport du HCC du 25/06/2019 « Agir en cohérence avec les ambitions »
  • Conseil national d’évaluation des normes du 11/07/2019
  • Avis des assemblées et collectivités : Corse, Saint Pierre et Miquelon, Martinique, Réunion
  • Avis du CESE du 9/04/2019
  • Avis du Conseil Supérieur de la Construction et de l’Efficacité Energétique du 21/05/2019
  • Consultation du public du 20/01 au 19/02/2020

La SNBC ne fait pas l’objet d’un débat par le Parlement ni d’un vote, alors que l’article 34 de la Constitution dispose que la loi « détermine les principes fondamentaux de la politique de l’environnement ». Selon le HCC, le cadre de la SNBC est « juridiquement et politiquement trop faible pour mener la France vers la neutralité carbone en 2050 ».

  • Pilotage, application, suivi et révision

Pilotage de la SNBC

La SNBC est pilotée par le Ministère de la Transition écologique, en particulier la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), en concertation avec les autres services ministériels. Une participation publique a été mise en place (entreprises, ONG, syndicats, représentants de consommateurs, parlementaires, collectivités territoriales).

Elle prend notamment en compte les avis formellement émis par le Haut Conseil pour le climat, l’Autorité environnementale, le Conseil national de la transition écologique, le Conseil national d’évaluation des normes et le CESE.

L’application de la SNBC

La SNBC fixe 45 orientations qui s’imposent aux décideurs publics en priorité et non aux citoyens et entreprises. Elle doit être déclinée au niveau régionale, départementale et communale, y compris aux opérateurs de l’Etat et des collectivités territoriales.

L’article Article L222-1 B du code de l’environnement dispose que « L'Etat, les collectivités territoriales et leurs établissements publics respectifs prennent en compte la stratégie bas-carbone dans leurs documents de planification et de programmation qui ont des incidences significatives sur les émissions de gaz à effet de serre. »

Autant dire que la contrainte juridique est quasi-nulle : non seulement l’Etat n’ajuste qu’à tenir compte de la SNBC et cela ne concerne que les exercices de planification ou programmation…

Suivi et révision de la SNBC

Le suivi de la stratégie nationale bas-carbone repose sur un ensemble d’indicateurs. Les indicateurs de résultats sont actualisés chaque année suite à la parution des inventaires d’émissions de gaz à effet de serre.

Les indicateurs sont consultables ici : http://indicateurs-snbc.developpement-durable.gouv.fr/spip.php?page=sommaire

Un suivi complet de l’ensemble des indicateurs est réalisé tous les deux ans à compter de l’adoption de la stratégie et de ses futures révisions. 

https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/Suivi%20de%20la%20SNBC_edition%202019_indicateurs%20de%20r%C3%A9sultats.pdf

Le suivi de ces indicateurs ne fait l’objet ni d’une présentation au Parlement ni d’un plan de retour à l’objectif en cas de retard (seule la révision quinquennale de la SNBC traite cette question)

Le Comité d’expert pour la transition écologique (CETE) donne un avis sur le respect des budgets carbone et la mise en œuvre de la SNBC en cours.

Tous les cinq ans, la stratégie bas-carbone fait l’objet d’un cycle complet de révision en tenant compte du suivi de la SNBC. La prochaine révision est programmée pour 07/2023 au plus tard.

L’avis porté sur la SNBC par le HCC est commenté dans le paragraphe suivant.

 

  • HAUT CONSEIL POUR LE CLIMAT – RAPPORTS MARQUANTS

https://www.hautconseilclimat.fr/

  • Rappels

Eléments extraits du site mentionné ci-dessus

Le Haut Conseil pour le Climat (HCC) est un organisme indépendant créé par le décret du 14 mai 2019 chargé d'émettre des avis et recommandations sur la mise en œuvre des politiques et mesures publiques pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de la France, en cohérence avec ses engagements internationaux, en particulier l’accord de Paris et l’atteinte de la neutralité carbone en 2050. Il a vocation à apporter un éclairage indépendant et neutre sur la politique du gouvernement et ses impacts socio-économiques en environnementaux. Il est présidé par la climatologue franco-canadienne Corinne Le Quéré et composé de treize membres choisis pour leur expertise dans les domaines de la science du climat, de l’économie, de l’agronomie et de la transition énergétique

Le HCC élabore annuellement un rapport sur la politique publique bas-carbone. Ce rapport évalue les politiques et mesures en place et prévues et formule des recommandations. Ce rapport est remis au Premier ministre et transmis au Parlement ainsi qu’au Conseil économique, social et environnemental. Le Gouvernement présente au Parlement et au Conseil économique, social et environnemental, dans les six mois suivant la remise de ce rapport, les mesures déjà mises en œuvre et celles prévues en réponse aux recommandations et propositions de ce rapport.

Le HCC peut également à la demande du Gouvernement ou du Parlement ou par autosaisie émettre une analyse sur un thème particulier.

Ainsi, outre les deux rapports annuels rédigés en 2019 (Agir en cohérence avec les ambitions) et en 2020 (Redresser le cap, relancer la transition) les rapports suivants ont été récemment rendus : Avis sur le PJL climat et résilience, Maîtriser l’impact carbone de la 5G, « France relance » : quelle contribution à la transition bas-carbone, Rénover mieux : leçons de l’Europe, Maîtriser l’empreinte carbone de la France, Climat-santé : mieux prévenir-mieux guérir

  • Focus sur le rapport annuel 2020

Il n’est pas possible de synthétiser ici l’ensemble des observations et recommandations du HCC, ni les réponses du Gouvernement, sur l’ensemble des sujets abordés.

Nous nous attacherons à présenter les observations sur le thème qui motive la présente analyse à savoir la gouvernance de la transition bas-carbone.

Observation HCC 2020 :

La redevabilité des politiques climatiques et leur transparence reposent sur une évaluation des lois et politiques qui n’a pratiquement pas progressée. L’évaluation des grandes lois d’orientation promises après un an n’a pas été communiquée. De nombreuses dispositions annoncées au cours de l’année restent à mettre en œuvre.

Réponse du Gouvernement :

La redevabilité du Gouvernement en matière climatique a progressé en 2020 avec la transmission fin novembre de quatre « lettres de mission climat » par le Premier ministre, qui seront suivies de sept autres lettres d’ici fin janvier 2021. La mise en œuvre de la SNBC, notamment au travers des plans d’action qui découleront de ces lettres, sera suivie annuellement en Conseil de défense écologique… La systématisation de l’évaluation climatique des lois reste un objectif ambitieux, dont la méthodologie devra être précisée de façon concertée dans les mois qui viennent…

Commentaires

La redevabilité du gouvernement sur la mise en œuvre de la SNBC n’est considérée par ce dernier qu’à l’égard du Président de la République. Le Parlement est largement ignoré.

L’évaluation des lois au regard de leur impact climatique est bien considérée comme imparfaite mais toujours en attente de solution.

Plus généralement, le processus de contrôle de la mise en œuvre de la SNBC est questionnable au sens où le Gouvernement ne rend compte de son pilotage devant le Parlement qu’à partir des observations réalisées par le HCC, et non de manière proactive, et sur la simple transmission de sa réponse sans débat ni vote.

Enfin il est notable de constater que les recommandations du HCC sur la SNBC portent principalement sur des aspects de gouvernance, de méthode et d’outils de politique publique et seulement à la marge sur des divergences de diagnostic ou de définition des solutions à mettre en œuvre. Ceci permet de souligner que si des différences peuvent s’exprimer sur les priorités ou l’importance à donner à telle ou telle action, la question du pilotage de la SNBC est au cœur du problème de la transition bas-carbone.

  • Rapport du HCC « Evaluer les lois en cohérence avec les ambitions »

Ce rapport a été élaboré sur saisine du gouvernement et a été édité en décembre 2019.

Les recommandations du HCC sont les suivantes :

  1. L’évaluation des lois en regard du climat doit respecter les grands principes d’une bonne évaluation des politiques publiques
  • Transparence sur les critères et méthodes d’évaluation
  • Indépendance de l’évaluateur
  • Diffusion de l’évaluation aux parties prenantes
  1. Toutes les lois ne nécessitent pas d’être évaluées au regard du climat
  • Processus ex ante avant présentation au Parlement :
  • Consultation publique des parties prenantes
  • Décision ou non d’étude d’impact détaillée au regard de la SNBC
  • Avis détaillé et public d’une autorité indépendante
  • Processus à conduire avant le dépôt du texte devant l’Assemblée
  • Processus identique pour les propositions de lois
  1. Une étude d’impact détaillée doit être réalisée par rapport à la SNBC
  • Rendre visible la dimension climatique en référence à la SNBC
  • Compléter l’exposé des motifs de la loi
  • Identifier les indicateurs de la SNBC concernés, ex ante et ex post
  1. Une méthode spécifique des lois en regard du climat doit être publiée
  • Méthodologie d’évaluation de la cohérence avec l’objectif de neutralité carbone et les budgets carbone de la SNBC.
  1. L’étude d’impact doit être mise à jour une fois la loi promulguée
  2. Le dispositif d’évaluation ex post doit être prévu dans le texte de loi
  3. Le processus d’évaluation ex post des lois doit être transparent, indépendant et doit associer les parties prenantes
  4. Le suivi des lois doit renforcer le pilotage de la SNBC vers la neutralité carbone
  • Rapport annuel du conseil de défense écologique de bilan en regard de la SNBC des lois adoptées dans l’année écoulée et des lois évaluées sur la même période (ex ante et ex post)

 

  • PROGRAMMATION PLURIANNUELLE DE L’ENERGIE

La PPE est le pendant pour l’Energie de la SNBC pour le Climat. Toutes deux sont liées et découlent du scénario de la DGEC publié en janvier 2020. (après coup, donc)

Elle a été créée par la Loi de Transition Energétique pour la Croissance Verte.

La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) établit les priorités d’action du gouvernement en matière d’énergie pour la métropole continentale, dans les 10 années à venir, partagées en deux périodes de 5 ans. Tous les 5 ans la programmation pluriannuelle de l’énergie est actualisée : la deuxième période de 5 ans est révisée et une période subséquente de 5 ans est ajoutée.

La PPE contient des volets relatifs :

  • à la sécurité d’approvisionnement ;
  • à l’amélioration de l’efficacité énergétique et à la baisse de la consommation d’énergie primaire, en particulier fossile ;
  • au développement de l’exploitation des énergies renouvelables (EnR) et de récupération ;
  • au développement équilibré des réseaux, du stockage et de la transformation des énergies et du pilotage de la demande d’énergie pour favoriser notamment la production locale d’énergie, le développement des réseaux intelligents et l’autoproduction ;
  • à la préservation du pouvoir d’achat des consommateurs et de la compétitivité des prix de l’énergie ;
  • à l’évaluation des besoins de compétences professionnelles dans le domaine de l’énergie et à l’adaptation des formations à ces besoins.

La révision de la PPE a été lancée en juin 2017 en même temps que celle de la SNBC dans le cadre d’une réunion jointe du Comité de suivi de la PPE et du Comité d’information et d’orientation de la SNBC. Le Comité de suivi de la PPE est composé d’environ 80 représentants de la société française, principalement des structures membres du Conseil national de la transition écologique (CNTE) et du Conseil supérieur de l’énergie (CSE).

Un Débat public a été organisé par la Commission nationale du débat public (CNDP) du 19 mars 2018 au 29 juin 2018

Consultation réalisée par internet. Avis très contrastés. Remarque : quelle est la finalité de ce type de consultation ?

 

 

  • LA CONVENTION CITOYENNE POUR LE CLIMAT
    • Rappels

La Convention citoyenne pour le climat est une convention française, constituée en octobre 2019 par le Conseil économique, social et environnemental sur demande du Premier ministre Édouard Philippe. Elle regroupe 150 citoyens tirés au sort parmi la population française, et a pour objectif de « définir les mesures structurantes pour parvenir, dans un esprit de justice sociale, à réduire les émissions de gaz à effet de serre d'au moins 40 % d'ici 2030 par rapport à 1990 ».

Le dispositif est annoncé par le président de la République Emmanuel Macron en avril 2019, à l'issue du grand débat national, reprenant une proposition émise durant le mouvement des Gilets jaunes par le collectif des Gilets citoyens qui regroupe diverses personnalités militantes et universitaires.

Dans son rapport publié en juillet 2020, la Convention formule 149 propositions. Emmanuel Macron s'engage à ce qu'elles soient soumises au Parlement ou à référendum à l'exception de trois d'entre elles. Leur transposition législative et réglementaire a lieu notamment dans le cadre du conseil de défense écologique, du plan de relance économique, de la loi de finances pour 2021, et du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets. La majorité des mesures prônées par la Convention sont reprises seulement en partie, et des mesures supplémentaires sont rejetées par rapport à celles initialement rejetées par Emmanuel Macron, Le Monde les estimant à un total de 28.

  • Analyse de « La Fabrique Ecologique »

Note de février 2021 ouverte au débat « Quelles leçons de la Convention Citoyenne pour le Climat ? »

https://www.lafabriqueecologique.fr/quelles-lecons-de-la-convention-citoyenne-pour-le-climat/

Cf synthèse PowerPoint B. Cogné

Bilan qualitatif

Bénéfices de la CCC

  • Renforcement de la sensibilisation à l’action climatique
  • Démonstration de la capacité d’un groupe de citoyens à s’emparer d’un sujet complexe et produire des propositions opérationnelles
    • Prise en compte des préoccupations de vie quotidienne et de justice sociale, examen des conditions d’acceptabilité
    • Proposition de solutions ne faisant pas consensus initialement
  • Le sujet climatique n’a pas été étouffé par la crise sanitaire
    • Maintien de la pression sur les décideurs politiques

Examen critique

Il est trop tôt pour un bilan final, mais il est à ce jour mitigé

  • Propositions pas totalement en ligne avec l’accord de Paris
  • Nombreuses critiques sur leur reprise par les pouvoirs publics

Ce bilan mitigé est dû

  • Selon certains à un manque de volonté politique
  • Une organisation de la CCC largement perfectible

Les critères d’une bonne Convention sont connus

  • Moyens et durée suffisante -> OK
  • Recherche de représentativité des citoyens -> OK
  • Impartialité de la gouvernance -> NOK
  • Articulation au processus de décision -> NOK

Format discutable

  • Sujet trop vaste
  • Lettre de mission incomplète
  • Gouvernance perfectible

Nombreuses ambiguïtés

  • Ambiguïté de l’engagement du « sans filtre »
  • Modalités d’intervention des experts non optimales
  • Méthodes de vote discutables
  • Fonctionnement du comité légistique
  • Suite donnée aux propositions

Propositions de portées et de faisabilités inégales

  • Avis contrastés dans le débat public
  • Quelques choix discutables (exclusion de la taxe carbone…)
  • Quelques mesures fortes (Rénovation énergétique, CO2 score…)

Conditions de réussite à l’avenir

Remarques préalables

  • De nombreuses initiatives, au niveau local et national
  • Importance de la démarche
    • Exigence croissante des citoyens de prendre part à la décision
    • Complément des propositions citoyennes / solutions venant des élites
  • Apports spécifiques
    • Nouvelles propositions, mieux adaptées aux réalités quotidiennes
    • Délibération permettant de rapprocher les points de vue
    • Capacité à trancher des questions délicates, très controversées
  • Niveau national ou niveau local
  • Procédure très bien adaptée à la question de la transition écologique

(Long terme, risques de fractures sociales et territoriales, choix non binaires)

  • Risques de déception du fait d’un processus mal maîtrisé

Propositions

Rôle, statut et portée des propositions faites par les Conventions Citoyennes

  • Être clair sur le fait que les propositions :
    • ne peuvent pas être d’application directe (laisser la décision à la démocratie représentative)
    • Mais ne peuvent pas être de simples avis consultatifs, et donc entrainent des obligations pour l’organe de décision publique

Nouvelles obligations publiques

  • Obligation de délibérer sur les propositions faites directement au Parlement (lois), en conseil des ministres (règlements), en assemblée délibérante (local)
  • Obligation en cas de rejet de présenter une mesure de portée équivalente pour atteindre l’objectif fixé
  • Rendre obligatoire, pour les sujets le nécessitant, une proposition de programmation pluriannuelle présentée à la délibération citoyenne

Charte des Conventions Citoyennes

  • Règles de tirage au sort, neutralité de la gouvernance, intervention des garants, statut des experts, vote et suivi
  • Intervention des partenaires sociaux
  • Principe de délimitation du sujet, cohérence de planning
  • Charte à élaborer dans un travail associant les pouvoirs publics, les représentants des corps intermédiaires, les citoyens de la CCC, des experts de la démocratie délibérative

Elargir le pouvoir d’initiative pour organiser une Convention Citoyenne

  • Parlementaires
  • Pétition citoyenne
  • Contrôle du conseil constitutionnel sur la question posée, Conseil d’Etat sur la cohérence avec les actions de la démocratie représentative
    • Analyse de « Démocratie Ouverte »

Note de Septembre 2020 « Grands principes et lignes rouges pour une convention citoyenne à l’échelle du territoire ».

Grands principes et lignes rouges pour des Conventions Citoyennes Locales — Démocratie Ouverte (democratieouverte.org)

Cf synthèse PowerPoint B. Cogné

Enoncé de 10 principes :

  1. Un mandat clair et ambitieux
  2. Un lien direct et explicite à la décision
  3. Indépendance de l’organisation et des garants
  4. Tirage au sort : diversité et inclusion
  5. Une facilitation professionnelle
  6. Une délibération en trois étapes
  7. L’audition d’experts aux avis contradictoires
  8. Un portage politique clair
  9. Transparence et médiatisation des médias
  10. Droit de suite
    • Vidéo youtube Philoxime

Convention Citoyenne pour le Climat : quelle légitimité ?

https://www.youtube.com/watch?v=hqFynZQWYB8

Vidéo expliquant les différents types de légitimité que l’on peut attribuer à une représentation par tirage au sort :

  • Légitimité descriptive : Assemblée tirée au sort représentant la diversité de la société. France en miniature. Une assemblée tirée au sort produirait une décision pratiquement identique à celle de la société tout entière.
  • Légitimité procédurale : Repose sur l’égale probabilité pour chaque citoyen d’être un représentant
  • Légitimité épistémique : les études empiriques en intelligence collective tendent à montrer que la diversité cognitive est souvent plus importante que la compétence individuelle. Des groupes diversifiés peuvent être plus doués que des experts qui pensent tous pareils. Une délibération inclusive représentant une diversité de perspectives a tendance à donner de meilleures décisions -> diversité cognitive + délibération

Les deux premières formes de légitimité sont fragiles à la critique. La dernière est plus robuste mais comporte également des limites : nécessité du soutien d’experts, question du contrôle par les autres citoyens, risque de perte des capacités épistémiques liée à l’exercice du pouvoir.

Dilemme : Comment limiter le pouvoir d’une assemblée tirée au sort pour préserver ses avantages épistémiques tout en lui en donnant suffisamment pour peser sur le processus politique ?

Si la solution consiste à considérer le tirage au sort comme un complément à l’élection sans s’y substituer (deuxième chambre à côté d’une assemblée d’élus et donnant un avis sur les textes de lois, ou dotée d’un pouvoir d’initiative) elle suppose de savoir régler le risque d’ambiguïté sur son pouvoir de décision -> A défaut de bien régler ce problème on risque de gâcher le potentiel d’une telle innovation démocratique

  • Réflexions du sous-groupe 3 du GT Mutations Ecologiques des Engagés.

Voir :

  • Les échanges consignés dans le document « Tirage au sort – Urgence Climat »
  • L’article de P.Vieu « Croire en démocratie et croire en la démocratie » et le résumé proposé par B.Cogné

Quelques idées fortes émergent de ces échanges :

  • Nous (le sous-groupe) croyons en l’intérêt d’une assemblée de citoyens tirés au sort pour aider à dénouer des problématiques difficiles
  • La question de l’urgence climatique figure parmi ces sujets difficiles
  • Le politique doit se saisir de cet outil plutôt que le craindre
  • Cet outil doit être manié avec beaucoup de précautions pour éviter les déconvenues qui peuvent être graves pour la démocratie (voir dilemme énoncé précédemment)
  • Ce droit nouveau d’une représentation par des citoyens tirés au sort doit être accompagné de l’expression d’un devoir du citoyen : le « devoir épistémique » appelant le citoyen à questionner ses croyances : Favoriser l’engagement des citoyens envers des principes épistémiques ouverts, susceptibles de générer des raisons publiques de croire et évaluables d’un point de vue commun.

Citoyenneté épistémique comme gage de leur confiance en la raison et leur croyance en la démocratie.

  • En retour l’appel à cette citoyenneté épistémique appelle à un devoir d’exemplarité de nos représentants. Ces éléments plaideraient pour une implication plus grande des députés aux procédures mettant en œuvre la participation citoyenne.

 

  • LOI CLIMAT ET RESILIENCE
    • Rappels

Issu des travaux de la Convention citoyenne pour le climat, le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience face à ses effets a été adopté en première lecture à l'Assemblée nationale le mardi 4 mai 2021.

Le projet de loi comporte les volets suivants

Consommer

Objectif : Accompagner durablement les Français dans leurs choix de consommation, grâce à des mesures portant sur l’éducation à l’environnement, la publicité, l’affichage environnemental et l’économie circulaire

Produire et travailler

Objectif : rendre les investissements publics plus verts, faire de l’écologie un sujet transversal de dialogue social en entreprise, permettre le développement harmonieux des énergies renouvelables au niveau local ou encore réformer le code minier

Se déplacer

Objectif : Rendre nos moyens de transports moins polluants, que ce soit les transports en commun, la voiture ou encore le transport aérien pour baisser les émissions de CO2 et améliorer la qualité de l’air

Rénovation thermique

Objectif : rénover massivement les logements pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre et sortir des milliers de ménages de la précarité énergétique

Artificialisation des sols

Objectif : Adapter les règles d’urbanisme pour lutter efficacement contre l’étalement urbain dans le but de protéger nos écosystèmes et d’adapter nos territoires aux changements climatiques

Se nourrir

Objectif : enclencher un changement significatif dans notre manière de nous nourrir pour consommer plus local, plus durable et plus sain, soutenir un système agricole plus respectueux de l’environnement par le développement de l’agroécologie et mieux encadrer le commerce équitable

Renforcer la protection judiciaire de l’environnement

Objectif : avoir une meilleure protection judiciaire de l’environnement en renforçant les peines pour qu’elles soient plus dissuasives et en créant un délit d’écocide

Dispositions relatives à l’évaluation climatique et environnementale

La Cour des Comptes évaluera chaque année la mise en œuvre de la loi pour le compte du Parlement.

Un rapport sera annexé aux révisions de la PPE, pour présenter toutes les actions mises en œuvre pour poursuivre les objectifs annoncés.

Un suivi unifié des actions des collectivités territoriales sera réalisé pour avoir une meilleure visibilité sur leur action cruciale dans la lutte contre le changement climatique.

Des feuilles de route multipartites seront élaborées pour chaque secteur émetteur de gaz à effet de serre pour garantir l’atteinte des objectifs climatiques de la France

  • Avis du Haut Conseil pour le Climat

Le Haut Conseil pour le Climat a émis un avis en février 2021 sur le Projet de Loi Climat et Résilience.

Les modifications apportés par la loi votée en première lecture étant secondaires, ces commentaires conservent leur pertinence.

Ils peuvent être synthétisés comme suit :

Sur l’ambition du projet de loi

L’absence de transparence méthodologique en termes d’évaluation de l’impact de la loi ne permet pas au HCC de s’exprimer sur la contribution de la loi au regard de l’objectif.

Le PJL ne permet pas de vérifier la cohérence du planning de mise en œuvre avec les baisses d’émissions définies par la SNBC, celles-ci se trouvant aujourd’hui insuffisantes au regard du rehaussement de l’objectif européen de réduction des émissions de -40% à -55% des émissions en 2030 par rapport à 1990.

Sur la pertinence des mesures au regard de la SNBC

Les délais de mise en œuvre des mesures sont incompatibles avec le rythme attendu.

Les périmètres d’application des mesures couvrent une part insuffisante des activités émettrices de GES en France.

La portée de certaines mesures dépendant des décrets d’application est incertaine.

La loi manque de consolidation stratégique au regard des objectifs de la SNBC.

Sur la qualité de l’étude d’impact

Le HCC regrette un manque de transparence sur les méthodes et hypothèses retenues, certaines incohérences dans les évaluations réalisées et un manque de clarté des résultats affichés.

L’étude d’impact ne discute ni de la plus-value stratégique des réformes proposées, ni de leur capacité à atteindre les objectifs du secteur, ni des dispositions complémentaires à mettre en œuvre en cas d’insuffisance des mesures.

Aucun bilan n’est dressé quant à l’effet global du projet de loi sur la trajectoire des émissions de GES de la France.

Sur le parcours de la loi

Le HCC rappelle ses recommandations sur l’évaluation des lois au regard du climat, exprimées en 2019 :

  • Au cours de la phase parlementaire : signaler l’impact supposé des amendements quant à l’objectif national de neutralité carbone.
  • Une fois la loi promulguée : mettre à jour l’étude d’impact en vue de guider la préparation des décrets d’application.
  • Dans le texte de loi : prévoir un dispositif de suivi et d'évaluation ex post, et préciser les indicateurs de suivi et les dates d’évaluation.
  • Renforcer le pilotage de la SNBC vers la neutralité carbone.
    • Autres avis notables

Les avis critiques à l’égard du projet de loi sont nombreux. Sont simplement mentionnés ci-après les conclusions notables du CESE et du cabinet Carbone4.

Avis du CESE

Dans son avis publié en Janvier 2021, le CESE souligne les insuffisances du projet de loi pour conclure par cette phrase : « Dire, selon les termes du rapport de présentation que le projet de loi « s’inscrit dans la SNBC » est donc, pour le CESE, un abus de langage ».

Avis du cabinet Carbone 4

Carbone 4 a publié un article le 17 mai 2021 « Décryptage de la loi climat : des promesses non tenues et une occasion manquée de faire émerger un texte historique ».

Il propose un tableau comparant les mesures de la Convention Citoyenne pour le Climat et leur application dans le projet de loi climat.

http://www.carbone4.com/decryptage-loi-climat/

Carbone 4 conclue que le projet de loi ne répond pas à l’objectif qui était pourtant le sien.

  • Commentaires

Face aux critiques sur le projet de loi le gouvernement met en avant le fait que ce projet de loi ne peut être considéré seul mais constitue un élément d’un ensemble plus vaste constitué de l’ensemble des réformes qui ont un impact sur le climat.

Il faut souligner que cette affirmation repose sur une réalité : une loi à elle seule ne peut porter l’ensemble des mesures dont l’addition permettrait d’atteindre l’objectif poursuivi.

Mais n’apportant pas la démonstration que l’effet de l’ensemble des mesures de politiques publiques répond à cet objectif, cette affirmation révèle l’absence et la nécessité d’une méthodologie de consolidation de leur impact.

En termes de gouvernance, l’évaluation annuelle de la mise en œuvre de la loi par la Cour des Comptes pour le Parlement n’est pas véritablement contraignante, le gouvernement devant simplement « y répondre ». Ceci soulève la question du principe de la reddition des comptes de l’exécutif qui est abordée dans le chapitre suivant.

 

  • QUESTIONNEMENT RELATIF AUX PRINCIPES DE LA REDDITION DES COMPTES PAR L’EXECUTIF

Le questionnement abordé ici n’est pas propre aux enjeux de la lutte pour le climat mais il est né de l’examen de la manière dont la mise en œuvre de la SNBC est contrôlée.

Même si la SNBC n’est pas une loi, nous nous sommes intéressés pour notre propre « apprentissage institutionnel » aux règles et pratiques applicables au contrôle de l’application de la loi.

Cet apprentissage a été mené au travers de la lecture du rapport de la mission d’information sur la concrétisation des lois de l’Assemblée nationale édité en juillet 2020.

Une synthèse de ce rapport est proposée sous forme d’une présentation PowerPoint (B. Cogné).

En sont repris ici les éléments essentiels, avant d’exposer le questionnement qu’il suscite et formuler une position sur les principes d’une reddition des comptes efficace, dans le cadre de la transition bas-carbone.

  • Eléments clés du rapport de la mission d’information sur la concrétisation des lois

Contexte

La mission d’information sur la concrétisation des lois est née d’une initiative de la conférence des Présidents sur proposition du groupe LRM.

Elle vise à proposer des réponses aux problèmes posés par le temps jugé trop long entre le vote d’une loi et ses effets qui sont parfois eux même jugés insuffisants au regard des ambitions de la loi.

Ce travail a été engagé dans le contexte de l’interdiction du cumul d’un mandat parlementaire et d’une fonction exécutive locale, poussant à un recentrage de l’action des parlementaires sur leur mandat national sans les couper de l’ancrage territorial.

La mission propose donc un renforcement du rôle des parlementaires dans la concrétisation de la loi, que ce soit en amont comme en aval de sa promulgation.

Rappels sur le cycle de vie de la loi

Stade

Acteur

Action

Ex ante

Gouvernement

Proposition de loi

Etude d’impact

Examen et vote

Parlement

Examen de la loi et de l’étude d’impact

Amendements

Vote

Ex post

Gouvernement

Actes d’application : décrets et règlements – objectif de délai de 6 mois

Rapport de mise en application (quantitatif) après 6 mois

 

Parlement

Contrôle de l’application de la loi :

·       Sénat : rapport annuel suivi d’un débat en présence du secrétaire du gouvernement

·       AN : rapport quantitatif éventuel 6 mois après la promulgation de la loi

·       Dispositions diverses : missions, enquêtes, questions au Gouvernement

 

Services déconcentrés de l’Etat

Accompagnement et sanction de la bonne mise en œuvre sur le terrain

 

Autres

CESE, conseil d’état, cour des comptes, etc…

Bilan actuel

Des progrès récents : taux d’application à 6 mois de 95%, initiatives gouvernementales (suivi de 66 « Objets de la Vie Quotidienne, suivi des réformes par ministère) …

Mais des progrès insuffisants : quelques applications règlementaires tardives, parfois éloignées de la volonté du législateur, services insuffisamment associés aux modalités de mise en œuvre.

Ce bilan conduit la mission d’information à formuler des propositions sur deux axes : l’anticipation de l’application et le rôle des parlementaires.

Propositions de la mission d’information

Anticiper l’application de la loi

  • Préparation de la loi et étude d’impact
    • associer les parties prenantes, anticiper les principales mesures règlementaires, élargir les indicateurs d’impact à des indicateurs de mise en œuvre
    • Actualiser l’étude d’impact suivant la loi votée
  • Revaloriser le rôle du Parlement à ce stade
    • Outil Leximpact
    • Ateliers citoyens dans les circonscriptions
    • Consultations citoyennes
  • Mieux expliquer la volonté du législateur
  • Accompagner les acteurs de la mise en œuvre

Repenser le rôle des parlementaires

  • Renforcer l’évaluation in Itinere : durant le déploiement de la loi
  • Renforcer le suivi par le Parlement : consultation des commissions sur les projets d’application des lois, permettre au Parlement d’interpeller le Gouvernement sur les mesures d’application
  • Faire du Parlementaire un maillon essentiel de la chaîne de remontée d’informations
  • Etendre les pouvoirs de contrôle des Parlementaires sur la mise en œuvre des lois
    • Questionnement

La lecture du rapport de la mission d’information est instructive à plusieurs titres.

Elle révèle en premier lieu une anticipation insuffisante de l’application de la loi dont le signe le plus marquant est l’absence d’obligation d’actualisation de l’étude d’impact suivant la loi telle que votée. Cette anomalie vis-à-vis de ce qui devrait relever de l’évidence semble justifier le questionnement abordé plus loin sur l’organisation de la reddition des comptes.

Avant d’aborder ce point, il est également notable de relever la proposition en faveur d’un renforcement du rôle des Parlementaires vers l’animation de la participation citoyenne. Cet aspect est tout à fait intéressant, à la lumière de l’expérience de la Convention Citoyenne pour le Climat qui a pu soulever des questions sur l’articulation de ses travaux avec le processus de décision.

Enfin cette lecture aiguise, par l’appel à un renforcement du contrôle parlementaire, un questionnement profond sur l’organisation institutionnelle de la reddition des comptes.

Pour qui n’est pas familier du fonctionnement de nos institutions, il est extrêmement frappant de constater que l’exercice du pouvoir exécutif n’entraîne d’obligation pour celui-ci de rendre compte de la bonne exécution de son action qu’en réponse à l’interpellation qui peut lui être formulée par ceux qui sont chargés de contrôler son action.

Ainsi il n’existe aucune obligation pour le pouvoir exécutif de venir systématiquement rendre compte de son action de manière périodique et formalisée devant le Parlement. Cette obligation ne peut, semble-t-il, qu’être instituée par la loi elle-même.

Cette situation apparaît comme très particulière et contradictoire de ce que le sens commun impose à l’exercice d’une responsabilité, pour une raison très simple. Si l’exécution d’une action est justifiée par la recherche d’un but, alors la bonne exécution ne peut-elle être constatée qu’au travers de la vérification de l’atteinte de ce but et donc la mesure de son accomplissement. Cette mesure est donc d’abord une nécessité pour celui qui conduit l’action. Rendre compte n’est donc rien de plus qu’informer de cette mesure et proposer les modalités de résorption de l’écart s’il existe.

Ne pas le faire ne peut qu’installer la défiance à l’égard de celui qui porte la responsabilité de l’exécution, entraîner une inflation du contrôle et au final affaiblir l’exigence d’efficacité dans l’exercice de la responsabilité.

C’est bien ce de quoi semble au final témoigner le sens des propositions de la mission sur la concrétisation des lois : faute de pouvoir affirmer cette nécessité de reddition systématique sur la mise en œuvre des lois, on accroît les pouvoirs de celui qui contrôle.

Deux arguments ont été entendus qui voudraient justifier cette situation.

Le premier argument toucherait à l’atteinte au principe de séparation du pouvoir qu’un renforcement de l’exigence de reddition systématique des comptes entraînerait. Cette atteinte serait caractérisée par un affaiblissement des pouvoirs de contrôle du Parlement et/ou par une forme de « mise sous tutelle » de l’exécutif par le législatif. Cet argument est contestable. D’une part une obligation de reddition de comptes ne retire en rien la nécessité d’un contrôle indépendant celui-ci étant dans tous les cas nécessaire, et en premier lieu pour l’exécutant lui-même. D’autre part, une reddition des comptes systématique doit être exercée dans des modalités convenues à l’avance, inscrites dans le « contrat », ici la loi elle-même. Elle ne relève donc pas, ni pour celui qui l’exerce ni pour celui qui la reçoit, respectivement d’une diminution ou d’un accroissement de pouvoir. Néanmoins il est certain qu’une telle obligation constituerait bien un rééquilibrage sain des pouvoirs, à l’heure où le pouvoir de l’exécutif apparaît comme largement dominant sur le pouvoir législatif.

Le deuxième argument touche à l’accroissement de la charge pour l’exécutif qu’une telle reddition de comptes systématique imposerait. Cet argument ne tient pas plus. Comme déjà dit, la reddition des comptes devrait être définie dans ses modalités dans la loi elle-même, ce qui permet d’en maîtriser la charge. De plus, elle est nécessaire à la bonne exécution même de la loi, comme le dit l’adage « qui ne rend pas compte, ne se rend pas compte ». Enfin il est absolument certain que le travail conjoint d’élaboration de la loi et de définition des modalités de reddition de comptes sur son exécution contribuerait à élaborer moins de lois de circonstances et à soigner celles qui sont nécessaires et donc garantir le succès de leur mise en œuvre.

L’objet du travail mené ici n’étant pas de réformer les pratiques générales institutionnelles, nous nous contenterons ici de proposer des pratiques propres au sujet de l’action climatique.

Dans son traitement actuel, deux types de documents guident l’action : la Stratégie Nationale Bas Carbone et les lois « climat » qui s’additionnent périodiquement. Ces deux types de texte n’échappent pas au constat exprimé précédemment. La SNBC fait l’objet d’une analyse par le HCC à laquelle le Gouvernement répond simplement sans débat ni vote devant le Parlement. La loi « Climat et Résilience » doit faire l’objet d’un bilan annuel par la Cour des Comptes, bilan auquel le Gouvernement est là aussi appelé à simplement répondre.

Cette situation, cohérente avec la pratique actuelle de la reddition des comptes, est pour toutes les raisons présentées gravement insuffisante.

C’est pourquoi nous introduisons dans la proposition que nous formulons sur la conduite de la transition bas-carbone une obligation de bilan à présenter par le gouvernement devant le Parlement à échéances régulières, ce bilan étant établi sur la base d’indicateurs convenus à l’avance et comprenant en cas d’écart un plan de retour à l’objectif à présenter au vote.

 

 

  1. L’ANALYSE PROSPECTIVE

Souvent employée pour appuyer la décision stratégique, l’analyse prospective ne fait pas l’objet d’une définition normalisée mais s’appuie sur des pratiques multiples.

Toutefois, on peut dire que, le plus souvent, elle repose sur la démarche suivante :

  • L’élaboration d’une ou plusieurs visions cibles de moyen ou long terme
  • Pour chaque vision cible, l’analyse du chemin à suivre pour atteindre cette vision cible. Cette analyse établit les conditions à réunir pour satisfaire l’objectif, qu’il peut s’agir de réunir ou de surveiller. On parle parfois aussi d’une analyse « Forces, faiblesses, opportunités, risques »
  • Il est souvent considéré qu’une analyse prospective se poursuit lors de la mise en œuvre par une veille prospective, précisément pour surveiller les conditions identifiées pour suivre le chemin programmé, et le cas échéant soit corriger les plans d’actions, soit infléchir la stratégie.

La définition de la vision cible et du chemin à parcourir se fait le plus souvent au travers d’un processus itératif.

Dans le domaine économique, cette analyse stratégique s’appuie sur des modèles simulant le fonctionnement de l’économie comme un système aux interactions multiples. Ces modèles peuvent être plus ou moins élaborés mais sont souvent des modèles statiques, au sens où ils s’attachent à modéliser à un instant « t » les phénomènes à l’œuvre avec des flux fixés. Il peut exister des méthodes de modélisation dynamiques qui sont physiquement plus rigoureuses mais sont par nécessité moins détaillées. Un exemple de modèle dynamique très connu est le modèle « world 3 » élaboré au début des années 70 par l’équipe Meadows et qui a appuyé le rapport également connu « The limits to growth ».

Dans le domaine de l’analyse stratégique appliquée au climat en France, plusieurs analyses prospectives sont en cours. Doivent être citées les analyses menées par l’Ademe, le Shift Project et l’association négaWatt.

Les particularités de ces différentes approches sont les suivantes :

  • L’Ademe, dans son projet « Prospective Energie Ressources 2050 » est la seule initiative qui s’attache à détailler 4 scénarios définis par des orientations politiques, voire philosophiques, différentes :
    • S1 : Sobriété et territorialisation dans l’urgence
    • S2 : Soutenabilité, rééquilibrage territorial et coopération
    • S3 : Techno push et métropolisation
    • S4 : Pari technique pour préserver les modes de vie moderne
  • Le Shift Project, par son « Plan de transformation de l’économie française », travaille sur un scénario que l’on peut juger proche des deux scénarios S2 et S3 de l’Ademe
  • L’association négaWatt qui historiquement pousse un scénario de sobriété proche du scénario S1

Il est nécessaire d’indiquer également que RTE travaille sur des scénarios de mix électrique que l’on peut considérer comme des éléments d’analyse complémentaires aux scénarios plus globaux, « sociétaux », cités précédemment.

Enfin, on peut également dire que toute proposition s’attachant à décrire un chemin sur l’avenir s’appuie sur une démarche prospective, plus ou moins élaborée. Ainsi Les Engagés « font de la prospective sans le savoir ».

 

 

 

  1. LES ACTEURS PUBLICS DE LA TRANSITION ECOLOGIQUE

Le Conseil économique, social et environnemental (CESE) est une assemblée constitutionnelle française composée de représentants sociaux (patronat, syndicats, associations).

Le CESE, saisi par le gouvernement, donne son avis sur les projets de loi, d'ordonnance ou de décret ainsi que sur les propositions de loi qui lui sont soumis. Son avis est obligatoire pour les projets de loi de plan et des projets de loi de programmation à caractère économique, social ou environnemental.

En 2020, la Convention citoyenne pour le climat, initiée par Emmanuel Macron, est organisée par le CESE

Avec la réforme de 2021, lorsqu’il sera consulté, le Gouvernement ne procédera pas aux consultations prévues par les textes. De plus, le CESE doit devenir l’instance de référence de la participation citoyenne avec cette réforme.

Le conseil de défense écologique français est un Conseil des ministres restreint réunissant les principaux ministres chargés de la transition écologique, présidé par le président de la République et ayant pour but de fixer des priorités en matière de transition écologique, de les inclure dans l'action des ministères concernés et de vérifier leur mise en œuvre.

Le Haut conseil pour le climat (HCC) est un organisme indépendant, placé auprès du Premier ministre, chargé de donner des avis et d’émettre des recommandations sur la mise en œuvre des politiques et mesures publiques pour réduire les émissions de gaz à effet de serre de la France, en cohérence avec ses engagements internationaux, en particulier l’Accord de Paris. Il a vocation à apporter un éclairage indépendant sur la politique du gouvernement en matière de climat.

Le Haut conseil pour le climat a deux missions principales :

  • Rendre chaque année un rapport sur le respect de la trajectoire de baisse des émissions de gaz à effet de serre, la bonne mise en œuvre des politiques et mesures pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et développer les puits de carbone.
  • Publier un rapport tous les cinq ans pour accompagner le développement de la stratégie nationale bas carbone de la France et mettre en perspective les actions et engagements de la France par rapport à ceux des autres pays.

Le conseil national de la transition écologique (CNTE) est l’instance de dialogue en matière de transition écologique et de développement durable. Sa création vise à renforcer le dialogue social environnemental. Il est consulté sur les projets de loi concernant, à titre principal, l’environnement ou l’énergie et sur les stratégies nationales relatives au développement durable, à la biodiversité et au développement de la responsabilité sociétale et environnementale des entreprises et la stratégie bas-carbone.

Chaque année, le conseil est informé de l’évolution des indicateurs nationaux de performance et de développement durable pour mesurer l’avancement de la transition écologique.

Fin 2019, le ministère a confié au Conseil national de la transition écologique la mission de contribuer à une vision de la France neutre en carbone et respectueuse du vivant en 2050.

La stratégie nationale bas carbone est le scénario de référence, feuille de route de la neutralité carbone du Gouvernement pour 2050, qui fixe les objectifs et les orientations.

Le conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), rattaché au Ministère de la Transition écologique, participe à la conception, au suivi de la mise en œuvre et à l’évaluation des politiques publiques de l’environnement et du développement durable, de la transition énergétique, du logement, de l’urbanisme, de la politique de la ville, de l’aménagement du territoire, des transports et de la mer.

Il siège en formation d’autorité environnementale (Aeg) pour émettre des avis et rendre des décisions en tant qu’autorité environnementale sur la qualité des évaluations environnementales et la prise en compte de l’environnement par les projets et les plans-programmes qui sont soumis à son examen. Les missions régionales d’autorité environnementale (Marae) remplissent les mêmes fonctions sur les autres plans-programmes, dont la plupart des documents d’urbanisme et les autres projets.

Le commissariat général au développement durable (CGDD), service du Ministère de la Transition écologique, éclaire et alimente, par la production de données et de connaissances, l’action de nos ministères sur l’ensemble de leurs champs de compétences. Grâce à son positionnement transversal, le commissariat général au développement durable (CGDD) contribue à donner une perspective globale à l’action du ministère. Il remplit par ailleurs un rôle spécifique dans la préparation et le suivi des travaux du conseil de défense écologique, et apporte son appui au secrétariat du conseil.

Le CGDD produit l’information statistique. Il est chargé, en lien avec le secrétariat général et en appui aux directions régionales du ministère, de la supervision générale des données sur le logement, l’énergie, les transports, l’environnement ainsi que de l’évaluation et de la mobilisation des moyens nécessaires pour le développement de la mise à disposition de ces données.

L’ADEME, devenue l’agence de la transition écologique en 2020, est un des opérateurs clés de l’État pour la transition écologique et énergétique.  Elle œuvre pour un modèle de société économe en ressources, plus sobre en carbone comportant un impact soutenable sur l’environnement. 

L’Agence met ses capacités d’expertise et de conseil à disposition des entreprises, des collectivités locales, des pouvoirs publics et du grand public.

Elle participe au financement de projets dans les domaines suivants :

  • Energie, changement climatique et qualité de l’air : énergies renouvelables et de récupération et réseaux, bâtiment, urbanisme, mobilité et transports, efficacité énergétique dans la production, qualité de l’air, gestion durable des sols, changement climatique;
  • Economie circulaire : production et consommation durables, déchets, sites et sols pollués.

Le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) est un centre de ressources et d’expertises scientifiques et techniques interdisciplinaires apportant son concours à l’élaboration, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques publiques portées par les ministères de tutelles. Il est rattaché au Ministère de la Transition écologique :

Il :

  • Valorise et facilite des modes de gestion des territoires qui intègrent l’ensemble des facteurs environnementaux, économiques et sociaux ;
  • Accompagne les acteurs publics et privés dans la transition vers une économie sobre en ressources et décarbonée, respectueuse de l’environnement et équitable;
  • Apporte un appui à l’État et aux acteurs territoriaux sur les projets d’aménagement nécessitant une approche pluridisciplinaire ou impliquant un effort de solidarité;
  • Assiste les acteurs publics dans la gestion de leur patrimoine d’infrastructures de transport et immobilier;
  • Renforce la capacité des acteurs territoriaux à faire face aux risques auxquels sont soumis leurs territoires et leurs populations;
  • Promeut aux divers échelons les règles de l’art et le savoir-faire développé dans le cadre de ses missions.

 

[1] Enquête Ipsos Sopra-Steria pour le Monde (Septembre 2021). L’environnement se situe dans le tiercé de tête des préoccupations des Français, 1 point derrière la délinquance, 5 points derrière l’avenir du système social, 7 points devant l’immigration.

[2]  Voir le rapport du Haut Conseil Pour le Climat (HCC) « Evaluer les lois en cohérence avec les ambitions » de décembre 2019 et l’avis du HCC sur le projet de loi « Climat et Résilience » de février 2021.

[3]  La seule vérification effective est aujourd’hui celle apportée par le bilan des émissions de gaz à effet de serre passées. Cette mesure, traduisant l’effet des politiques menées avec un retard de plusieurs années, est d’un intérêt secondaire pour le pilotage de l’action.

[4]  Par « plan d’actions opérationnel », on entend un ensemble de mesures législatives, du type de la loi « Climat et Résilience », et/ou réglementaires et budgétaires, du type des « plans d’action climat ministériels ». Notons que c’est la crise des Gilets Jaunes qui, de fait, a conduit à la Convention Citoyenne pour le Climat puis au projet de loi. Par ailleurs, c’est sur recommandation du HCC que des plans d’action climat ministériels ont été produits Ces deux exemples témoignent d’une politique « de réaction » non volontariste. Ce constat souligne la faiblesse opérationnelle de la SNBC résultant d’un positionnement incertain : par une curieuse inversion logique plaçant la définition des orientations stratégiques de long terme comme conséquence des décisions de court et moyen terme, la SNBC, fixée par simple décret, définit la marche à suivre pour atteindre les objectifs définis par la loi de programmation pluriannuelle de l’énergie. (Article L222 du code de l’environnement)

[5]  La mise en œuvre des plans d’action climat est suivie par le conseil de défense écologique

[6]  En exemple, le débat caricatural entre « Amish et 5G »

[7]  Les enseignements de la CCC sont développés en annexe.

[8]  La notion même d’échec peut être discutée. Un retard dans l’atteinte par la France de la neutralité carbone de 10 ans serait insignifiant au regard de ses conséquences comptables directes sur la trajectoire bas-carbone du monde. On peut en revanche estimer, tenant compte de l’influence de la France en Europe et de l’Europe dans le monde, que le respect par la France des ambitions qu’elle affiche peut contribuer significativement au succès de la lutte mondiale contre le réchauffement climatique. Croire en l’influence de la France et vouloir la préserver nous imposent donc de refuser tout retard sur la trajectoire que nous avons définie.

[9]  Sur l’exemple de l’étude de l’Ademe « Prospective Energie Ressources 2050 » : S1 – Sobriété et territorialisation dans l’urgence / S2 – Soutenabilité, rééquilibrage territorial et coopération / S3 Techno push et métropolisation / S4 – Pari technique pour préserver les modes de vie modernes

[10] Voir en annexe nos éléments de réflexion sur l’intérêt d’une assemblée tirée au sort. Nous devons nous garder de l’argument fragile d’une représentation de la « France en miniature » pour retenir qu’une telle représentation a tendance, par la diversité des perspectives qu’elle apporte, à donner des décisions plus adaptées que celles produites par une assemblée d’experts, ou la complémente efficacement.

[11] Haut Conseil pour le Climat (2021). Rapport annuel 2021. Renforcer l’atténuation – Engager l’adaptation

[12] Carbone 4 (2021). Neutralité et territoires – un cadre d’action collective pour la neutralité carbone en France

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