Réforme des retraites : non !

Laurent Joffrin | 14 Septembre 2022

Emmanuel Macron s’apprête donc à annoncer la bonne nouvelle. Aux salariés français dont l’espérance de vie en bonne de santé est en moyenne de 65 ans et qui peuvent partir à 62 ans, il compte dire : pas de chance, cher ami, vous devrez rester deux ou trois ans de plus.

Bien sûr, ceux qui perçoivent un bon salaire et ne sont pas usés par le travail n’en auront cure. Souvent ils ont commencé tard et sont prêts à prendre leur retraite après 65 ans, d’autant que leur espérance de vie est au-dessus de la moyenne. Mais les autres, ceux qui commencent à travailler tôt, qui exercent un métier pénible, qui sont pressés, après cette vie de labeur, de trouver du temps pour eux ou pour leur famille, ceux-là, le jour venu, devront poursuivre dans l’amertume et la déception. Telle est la réforme qui se profile : un recul social évident, incontestable, contre lequel s’est faite l’unanimité syndicale et que l’opinion, dans sa majorité, condamne.

On dira que nécessité fait loi et que les projections du Conseil d’Orientation des Retraites (COR), qui annoncent un retour rapide des déficits de la branche vieillesse, imposent un nouveau sacrifice. Est-ce si sûr ? Certes le COR prévoit le retour des déficits dans deux ans, après une courte embellie liée à une croissance plus rapide. Certes, personne ne peut prendre ce déséquilibre par-dessus la jambe. À cet égard, le rétablissement de la retraite à soixante ans, prévu par une grande partie de la gauche réunie dans la NUPES, n’est guère raisonnable. La dernière réforme mise en oeuvre, celle de Marisol Touraine, a amélioré les perspectives ; elle est passée maintenant dans les mœurs : 62 ans pour l’âge de départ minimum et 43 années de cotisations. C’est un point d’équilibre.


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Mais Macron en veut plus dans le sacrifice. Or à long terme, contrairement aux horrifiques prophéties du patronat, le système ne conduit en rien à la faillite : comme les salaires augmentent plus vite que les retraites (à cause de la productivité croissante du travail), les recettes se rapprochent lentement des dépenses. Si le président veut un nouveau report, c’est parce qu’il écarte a priori les autres solutions, comme l’augmentation des cotisations ou l’accroissement des transferts issus de l’impôt. C’est le refus de toute augmentation des prélèvements obligatoires – sur les plus riches, notamment - qui conduit au recul de l’âge de la retraite pour les plus pauvres. En un mot, le gouvernement veut payer d’un recul social la protection des revenus des classes supérieures et moyennes. D’où le refus des syndicats, CFDT en tête.

Il existe d’autres solutions, plus sociales et plus rationnelles, que la gauche devrait explorer avec lucidité, notamment dans le domaine de l’emploi des seniors et de la pénibilité, différente selon les classes sociales, ce qu’elle tarde à faire. Mais dans l’immédiat, la réponse au futur projet Macron doit être nette et sans bavure : c’est non.

 


Et aussi

 

Décidément, l’Union européenne trouve son rôle dans l’adversité. Vêtue aux couleurs ukrainiennes, Ursula Von der Leyen, président de la Commission, a prononcé un « discours sur l’État de l’Union » fort et concret. Elle annonce, entre autres, une réforme du marché de l’électricité, une marche rapide vers l’indépendance énergétique et la création d’une banque commune pour financer la recherche sur l’hydrogène - un espoir pour la lutte contre le dérèglement climatique. Elle propose enfin de plafonner les profits exceptionnels des entreprises de l’énergie. Une mesure qu’Emmanuel Macron a refusé de prendre, pour s’en remettre ensuite à l’Union. Pour une fois, Bruxelles va plus vite que Paris : autre nouveauté.

 

Les commentateurs de droite ne cessent de s’esbaudir devant les manifestations d’unité nationale produites par les cérémonies d’hommage à la défunte Elizabeth II. Un geste de patriotisme et de respect de la tradition, suggèrent-t-ils, qu’une République comme la France, divisée à souhait et en pleine décadence civique, est bien incapable de faire. Léger oubli, tout de même : dans ce royaume apparemment unanime, une région de plus de cinq millions d’habitants, l’Écosse, est gouvernée par une force politique qui prône la séparation d’avec le royaume et souhaite rejoindre l’Union européenne en tant que nation indépendante ; une autre région, l’Ulster, comporte une forte minorité qui veut son rattachement à l’Irlande et qui entretient une paix armée avec la majorité unioniste. On cherche vainement l’équivalent dans cette République française soi-disant éclatée…

Laurent Joffrin

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Président du mouvement @_les_engages