Renaissance du même macronisme

Laurent Joffrin | 19 Septembre 2022

En Marche s’arrête, Renaissance voit le jour : le parti macronien fait peau neuve. Un nouveau dirigeant, Stéphane Séjourné, jeune vétéran de la REM, une doctrine mise à jour, une absorption de deux micro-partis frères, Territoires de Progrès et Agir, mais sans deux autres piliers de la majorité, Édouard Philippe et François Bayrou, restés sur leur Aventin : les marcheurs ont fait ce week-end du neuf avec du vieux ou du vieux avec du neuf. La formule « fait peau neuve » est d’ailleurs toute relative, puisque la peau en question reste essentiellement celle d’un caméléon.

Petite référence historique : Bonaparte, discutant de la future constitution du Consulat, entend un de ses interlocuteurs décrire le futur texte : « La constitution doit être courte… ». Ce constituant allait dire « claire » ou « limpide ». Bonaparte le coupe et lâche « Courte et obscure ». Il en va ainsi du Bonaparte de l’Élysée : pas question de s’embarrasser de principes rigides ou de projets contraignants. La doctrine de Renaissance sera donc courte… et nébuleuse. Un progressisme vague, un engagement européen très général, un réformisme de principe sans objectifs précis, le tout mâtiné de rigueur régalienne et de réminiscences gaulliennes dans la pratique du pouvoir. « Medley », « Combo » ou « Pot-Pourri », au choix, dont le fond est libéral, l’action verticale, la parole sociale et la sauce moderniste.

Le macronisme est tout d’agilité revendiquée. Les mauvaises langues diront : d’opportunisme assumé. Ce qui a permis à Emmanuel Macron de faire campagne à droite au premier tour de la présidentielle, à gauche au second, puis encore à droite lors des législatives, avec les résultats mitigés que l’on connaît. Ce qui permet au gouvernement d’ouvrir les vannes de l’argent public pour atténuer les effets de la crise énergétique – on ne s’en plaindra pas – mais aussi d’annoncer une réforme des retraites qui braque unanimement les syndicats.

Au total, ces variations centristes ne peuvent cacher une tendance lourde. Les voix de réserve de la majorité, tout comme ses alliés potentiels au Parlement, sont à droite ; quant aux personnalités fortes de la coalition présidentielle, celles qui concourent à la succession – Bruno Le Maire, Gérald Darmanin, Édouard Philippe – elles sont toutes issues de LR. Ainsi apparaît de plus en plus la vérité du macronisme : une alliance politique et idéologique de la droite et du centre, comme l’a été en son temps l’UMP, l’outil forgé par Jacques Chirac pour gagner et gouverner. Ainsi les électeurs de gauche ralliés à Renaissance espéraient un mendésisme new-look. On leur sert un chiraquisme ripoliné.

 

Crédit photo : Depositphotos

 


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LFI ne changera donc pas. Adrien Quatennens, numéro deux du parti, reconnaît avoir giflé puis bousculé sa femme au fil d’un divorce tendu et se met en retrait de ses responsabilités politiques. Aussitôt, Mélenchon publie un communiqué de soutien à son second sans un mot pour la victime. Dans la foulée, le parti entame le refrain de la présomption d’innocence, alors que l’auteur des faits a reconnu sa faute, et incrimine les médias, coupables d’intrusion dans la vie privée, alors que cet argument tombe de lui-même dans le cas de violences conjugales. La même solidarité agressive avait prévalu dans les deux affaires Taha Bouhafs et Éric Coquerel. LFI a décidément du mal à se départir de ses réflexes sectaires.

 

On lira avec profit la chronique de Philippe Bernard dans Le Monde, intitulée « Comment espérer détourner les électeurs populaires du vote Le Pen lorsque certains à gauche alimentent les polémiques qui les hérissent ? ». Résumé sommaire : à force d’abandonner à l’extrême-droite la laïcité, le travail, le patriotisme et quelques autres valeurs qui furent celles de la gauche, de défendre le burkini dans les piscines, de fustiger la pratique du barbecue, de proclamer que « la police tue » et de parler en priorité du sociétal plutôt que du social, on désoriente des classes populaires qui votaient traditionnellement à gauche et on les jette dans les bras du populisme nationaliste. A méditer.  

 

Laurent Joffrin

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Président du mouvement @_les_engages