- Le mouvement
- Le Lab de la social-démocratie
- Nos publications
- Actualités
- Evénements passés
- Adhérer
Stratégie de sortie des énergies fossiles et de composition du mix de production d’électricité
Comparaison des orientations des Engagés avec les autres grandes tendances politiques
1. Introduction
Au travers de notre note d’analyse de l’étude de RTE sur la composition du mix électrique nous avons précisé et complété nos propositions antérieures sur la stratégie de développement des capacités de production d’électricité à conduire pour répondre aux besoins de substitution d’énergie non carbonée aux consommations d’énergies fossiles. Ces propositions répondent à la fois à la nécessité de l’urgence de l’action pour le climat, urgence aggravée par les retards pris par le pouvoir politique actuel, et à la nécessité de réussir la mutation bas-carbone dans le respect de l’exigence démocratique alors même que les choix à réaliser sont d’une grande complexité. Ainsi ces propositions peuvent apparaître à certains égards difficiles à saisir. Il est donc apparu nécessaire de compléter leur présentation d’une comparaison avec les orientations politiques concurrentes. C’est à cet objectif que répond la présente note.
2. Comparaison avec la politique énergétique du pouvoir actuel
Sur la substitution de l’électricité aux énergies fossiles :
Le pouvoir actuel n’a pris aucune initiative et s’est contenté d’accompagner la mutation vers la voiture électrique résultant des réglementations européennes, sans porter attention aux usagers qui ne disposent pas en propre d’emplacements de parking sur lesquels installer des prises de recharge[1]. Il est en outre resté inactif concernant la motorisation des poids lourds et le transport de marchandises. Concernant le chauffage des bâtiments, voire le conditionnement d’air, les annonces ont été tonitruantes mais les résultats bien faibles notamment parce que les collectivités locales n’ont pas été mobilisées et dotées des financements nécessaires. Dans l’industrie, si la taxation du carbone mise en place par l’UE (le dispositif SEQE de l’UE) commence à entrainer des effets significatifs mais le gouvernement français n’a, jusqu’au plan de relance post-COVID rien engagé de significatif.
Sur les énergies renouvelables électriques :
Les résultats de l’action du pouvoir actuel sont très en-deçà des orientations de la Programmation Pluriannuelle de l’Energie (PPE)[2] :
- Sur le photovoltaïque, les mises en service de ces dernières années n’ont jamais excédé 1GW/an pour un objectif de la PPE de 2016 de 2 GW/an. La PPE de 2020 programme un rythme d’ici 2023 de 3 à 4 GW/an alors que le rythme actuel, s’il a récemment accéléré, reste de l’ordre de 2GW/an. Si l’on se heurte au manque de friches susceptibles d’être équipées peu a été fait pour ouvrir de nouvelles possibilités, notamment en combinant le PV avec l’agriculture (« agrivoltaïsme).
- Sur l’éolien terrestre, le développement se poursuit à un rythme de l’ordre de 1 à 1,7GW/an nettement en dessous des objectifs fixés à 2,2GW/an.
S’il existe de nombreuses difficultés objectives au développement des ENR électriques, le pouvoir politique actuel ne manifeste pas de volonté réelle de les résoudre. Le « pragmatisme du cas par cas » défendu par le chef de l’Etat illustre bien cet attentisme, caractéristique de son action plus orientée vers la communication que vers la résolution des problèmes.
A l’inverse, Les Engagés plaident pour une action immédiate favorisant l’accélération du développement des ENR. Cette action doit s’appuyer sur 3 leviers :
- un soutien politique fort et explicite en faveur du développement des ENR,
- des évolutions structurantes du cadre réglementaire[3],
- l’information et la participation du public[4].
Sur le nucléaire :
Le pouvoir actuel vient d’annoncer sa volonté de relancer un programme électronucléaire de construction, probablement de 6 EPR. Cette annonce pose de nombreuses questions. Encore très vague, elle apparaît comme une manière de sonder l’opinion, relevant d’une démarche à tâtons plus que d’une véritable vision stratégique. De plus, cette annonce ignore totalement les questions extrêmement préoccupantes que les défaillances graves dans la maîtrise de la construction de l’EPR de Flamanville ont posées, renouvelant de manière imprudente une confiance dans la filière alors même que celle-ci devrait chercher à la reconquérir.
Les Engagés, alarmés des retards croissants de l’action publique pour le climat et de leurs conséquences, mettent au contraire en avant une stratégie dynamique en deux points :
- La remise à plat de la filière nucléaire, sur l’ensemble de ses enjeux de court à long termes, tant sur les aspects de maîtrise technique que de gouvernance et de transparence. Cette analyse visera à définir les conditions de la poursuite de la filière dans des conditions de pérennité satisfaisantes. Elle conduira à des propositions à soumettre sous 3 ans maximum à la décision démocratique.
- Simultanément, le lancement immédiat d’une première paire d’EPR dont le programme intègrera un jalon à 3 ans permettant d’intégrer les décisions issues du processus décrit précédemment
Cette stratégie exigeante, définie en responsabilité, apparaît comme la seule à même de concilier, à un coût maîtrisé, la nécessité d’une action urgente et la nécessité de répondre démocratiquement aux enjeux de pérennité de la filière.
Plus généralement, sur l’exercice du pouvoir et la vision de la société que les différences présentées sous-tendent :
En apparence, les positions que nous affichons, en faveur d’un engagement déterminé dans la substitution de l’électricité aux énergies fossiles et le développement fort de nos capacités de production non carbonée, peuvent laisser entendre que notre vision de la société n’est pas très éloignée de celle du pouvoir actuel.
Cette apparence est gravement trompeuse.
La première différence tient au modèle de développement dans lequel nous nous projetons. Le pouvoir actuel, et la droite en général, restent en effet soumis à une forme de fascination enfantine devant le pouvoir des technosciences, y plaçant tous leurs espoirs d’une richesse perpétuelle et sans cesse croissante, qui serait de nature à résoudre comme par magie les difficultés de la société. Notre attitude est éloignée de cette vision « solutionniste ». Nous avons conscience des contraintes qui pèsent sur la préservation de notre niveau de développement. Nous les regardons avec lucidité, non pour nous en effrayer et nous recroqueviller, mais pour anticiper leurs effets et agir collectivement pour préserver et si possible améliorer la qualité de notre modèle social dans une prospérité durable. Cette attitude nous conduit, non à parier exclusivement sur les promesses de l’avenir, mais à travailler ici et maintenant à l’amélioration des conditions de vie de tous, en conjuguant le mouvement civique vers une consommation plus intelligente – à la fois plus éclairée et plus engagée, c’est-à-dire plus responsable – et une action publique fondée sur une approche raisonnée et maîtrisée des sciences et des nouvelles technologies.
La deuxième différence, tout aussi importante, tient dans notre approche de l’exercice démocratique. Le pouvoir actuel nous a en effet démontré son incapacité à s’extraire d’une pratique verticale du pouvoir dont nous avons vu les conséquences, par exemple lors de la crise des gilets jaunes, mais aussi par la mise au panier des travaux de la Convention citoyenne pour le climat ou encore tout récemment par l’annonce « jupitérienne » de relance d’un programme de nouveau nucléaire. Cette attitude qui porte en elle le risque de la déchirure de notre tissu social fragilisé alors que les mutations de la transition écologique nécessitent plus que jamais sa préservation, est d’autant plus grave qu’elle s’habille des apparences de la modération. Nous opposons à cette pratique du pouvoir une conception de l’exercice démocratique radicalement différente. Bien plus que représenter une simple méthode, nos propositions en matière de conduite de l’action pour le climat portent les valeurs de la raison, de la confiance, du respect de nos principes démocratiques, et du respect de tous, qui nous paraissent essentielles à la résolution des défis d’aujourd’hui.
3. Comparaison avec les écologistes d’EELV
Sur l’électrification des usages énergétiques
Nous sommes à court de propositions opérationnelles d’EELV sur les mutations des consommations énergétiques des fossiles vers l’électricité non carbonée. On semble en rester à la seule sobriété énergétique considérée comme une panacée. Tel ne peut être un projet présidentiel crédible.
Sur la composition du mix électrique en général et le nucléaire en particulier
La première différence qui saute aux yeux concerne la question du nucléaire. Les écologistes d’EELV postulent de longue date une sortie du nucléaire alors que ce n’est pas notre position. Cette différence pourrait apparaître comme relevant d’une simple différence d’appréciation du niveau des inconvénients liés à cette technologie, comme si ceux-ci étaient posés sur la table et qu’il suffirait de choisir, pour ou contre.
L’explication de nos désaccords est plus complexe.
Elle porte tout d’abord sur l’appréciation des conséquences d’une sortie du nucléaire. Ces conséquences sont multiples, mais la plus importante porte sur le maintien de notre niveau de développement. L’analyse du rapport de RTE confirme que le choix d’une sortie du nucléaire nécessite une politique de sobriété des usages engageant une remise en cause profonde de nos « standards de vie ». Nous ne considérons pas, « par principe », qu’une telle remise en cause soit à écarter. Nous sommes également convaincus que les leviers de l’information et de la responsabilité doivent être actionnés, en particulier par l’action contre les gaspillages ou contre l’obsolescence des objets. La sortie du nucléaire nous projetterait bien au-delà d’une simple action en ce sens. Elle imposerait un niveau de sobriété des usages plus profond qui est très loin de recueillir le consentement de la société et qui, s’il était mis en œuvre sans plus de précaution porterait un risque majeur d’aggravation des tensions sociales.
La limite de la position d’EELV apparaît donc. Basée sur le postulat de la sortie du nucléaire, une telle position, émanant du pouvoir en place si EELV y parvenait, interdirait de fait la délibération collective qui par nature doit s’engager dans un examen de toutes les possibilités ; délibération collective qui est la condition même du consentement à la décision finale. Cette contradiction dans l’attitude d’EELV qui par ailleurs propose la tenue d’une « Convention citoyenne de l’énergie » est d’autant plus problématique que EELV n’explicite pas clairement dans son programme les conséquences de la politique de sobriété que sous-tend la sortie du nucléaire. A cette attitude s’ajoutent des déclarations sur les coûts comparés du nucléaire et des ENR en contradiction complète avec l’étude de RTE, et qui n’étant pas documentées, apparaissent comme l’affirmation de « faits alternatifs ».
Au total, et alors que EELV pourrait apparaître par bien des aspects comme un partenaire politique, son attitude pose sur le plan démocratique des questions non résolues.
[1] Voir notre proposition n°26 du « Temps des possibles » : « Développer une offre de recharge gratuite pour les véhicules électriques dans les périphéries urbaines et rurales »
[2] Source : l’étude de RTE « Futurs énergétiques ».
[3] Voir par exemple les 5 propositions de l’UFE en faveur de l’atteinte des objectifs de développement des ENR – juillet 2021.
[4] En particulier au travers de la démarche de planification de l’action bas-carbone dont nous avons proposé les principes.