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Ukraine : la force de la liberté
Encore un cliché réactionnaire qui s’effondre… Toute une théorie de penseurs, d’écrivains et de folliculaires - et pas toujours d’extrême-droite - se lamentent à longueur de livres et d’articles sur la supposée décadence des sociétés occidentales, minées par l’incivisme, l’individualisme, le matérialisme. Les sociétés fondées sur les droits humains, rebaptisées « droit-de-l’hommistes », baigneraient dans les valeurs « féminines » de « la bien-pensance », amollies par le confort de la « société de consommation », frileusement blotties dans le giron de « l’État-nounou », indifférentes à la « perte de leur identité », vouées à la « soumission » face à l’islam conquérant. Conclusion : elles sont battues d’avance dans la « guerre des civilisations » dont ces nostalgiques des pouvoirs forts – il nous faudrait un Poutine français, disait Éric Zemmour - ont fait leur prêt-à-penser.
Et voici que, face au vrai Poutine, homme fort s’il en est, défenseur agressif de l’identité russe, une démocratie récente, attirée par l’Europe, adhérant aux valeurs occidentales, affligée d’une vie politique désordonnée qui s’est traduite par l’élection d’un comédien de télévision à la présidence, fait la preuve de son sens civique, de sa volonté de résistance, de son courage physique et moral. Depuis trois semaines, elle enraye la machine de guerre russe dont on pensait qu’elle ne ferait qu’une bouchée de la trop novice armée ukrainienne. Son président, pourtant issu d’un passé d’amuseur un peu foldingue, se change en chef militaire héroïque, risquant sa liberté et sa vie pour rester au milieu des siens, dans une capitale menacée d’encerclement. On ne sait si cette résistance durera, si les forces ukrainiennes peuvent encore tenir longtemps, si la brutalité russe ne va pas finalement l’emporter en quelques semaines. Mais la preuve est faite que la soi-disant décadence démocratique ne se vérifie pas. Si les Ukrainiens sont battus, ce sera pour des raisons matérielles – un déséquilibre des forces dramatique en faveur des Russes – et non en raison d’un effondrement civique et humain. La lettre politique de Laurent Joffrin | S'abonner A vrai dire, l’Histoire avait déjà administré cette même leçon. Toujours les dictateurs méprisent les démocraties, par essence « déclinantes », dont les peuples auraient perdu le sens du sacrifice, la fibre patriotique, la capacité à surmonter l’adversité. Ce fut la grande leçon du XXème siècle : défiées par les forces du fascisme et du communisme, qui semblaient irrésistibles, les démocraties ont fini par triompher, en 1945 contre Hitler, Mussolini et les autres, puis en 1989 contre cette URSS qu’on pensait inexpugnable. Raymond Aron avait, en son temps, théorisé cette résilience : les démocraties se préparent mal à la guerre ; elles sont lentes à réagir aux agressions. Mais en mobilisant leur population dans un mélange de patriotisme et d’attachement à la liberté, elles acquièrent une force morale et matérielle qui les mène à la victoire. Poutine commence seulement à comprendre ce mécanisme, qui risque fort de déjouer ses calculs. Il doit envisager une guerre longue en Ukraine, ce qui n’était pas prévu, et devra ensuite, s’il reste au pouvoir, soigner pendant de longues années les plaies qu’il aura lui-même ouvertes dans son propre pays, moralement déchiré et économiquement handicapé. Restons confiants : à la fin des fins, l’histoire montre que la liberté a de grandes chances de l’emporter. |