PRESIDENTIELLEGAUCHE

Union de la gauche : l’étrange refus

Laurent Joffrin | 14 Décembre 2021

Quand l’un ou l’une fait une proposition et que les autres la récusent, qui est à l’origine de l’échec ? Avec candeur, on pourrait penser que ceux qui disent non portent la responsabilité principale. Tel n’est pas le cas pour l’immense majorité des commentateurs politiques : si la proposition d’union de la gauche échoue, c’est la faute de celle qui la formule – Anne Hidalgo – et non de ceux qui la rejettent sur un ton méprisant, Jadot, Mélenchon, Roussel. C’est la force du panurgisme médiatique : à quatre mois du scrutin, une certaine doxa a enterré la gauche ; dès lors, on ne saurait faire autre chose dans les éditoriaux, que jeter distraitement quelques pelletées de terre sur le cercueil.

Au vrai, rappelons, qu’il y a deux manières de rassembler la gauche. La première est la plus efficace. C’est François Hollande qui l’a dit le mieux : ce n’est pas l’union qui fait la force, c’est la force qui fait l’union. Traduction : il faut qu’une candidature se détache du lot, ce qui incite les électeurs à se réunir sur son nom. Trois fois la gauche a gagné la présidentielle selon ce modèle, en 1981 et en 1988, autour de François Mitterrand ; en 2012, autour du même Hollande. C’est la logique du scrutin présidentiel : il n’y a qu’un seul fauteuil ; on ne peut pas s’y asseoir à plusieurs.

Mais si personne ne se détache ? C’est l’étrangeté du refus hautain des trois concurrents d’Hidalgo : chacun d’eux parle comme s’il était en passe de battre Macron. Alors que, depuis plus de trois mois, la position de tous les candidats de gauche, mesurée par la totalité des sondages, stagne désespérément, quand elle ne s’effrite pas.


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La proposition d’union n’a rien de facile. Mélenchon est trop éloigné des autres, idéologiquement, pour y participer ; elle arrive tard dans la campagne, elle suppose des discussions approfondies, etc. Mais l’idée d’une candidature unique du pôle écolo-réformiste, arbitrée dans une primaire, n’a rien d’absurde. Elle suppose une discussion programmatique, une plate-forme commune qui ne soit pas forcément celle de la « primaire populaire », nettement excentrée à gauche, une instance d’organisation agréée par tous, une procédure d’adhésion au processus qui ne soit pas un simple clic[1]. En un mot, avant de se mettre d’accord sur celui ou celle à même de le porter, il faut un projet commun. Autrement dit,  s’accorder sur le « quoi » avant de s’accorder sur le « qui ».

Quoique très ardue, l’hypothèse mériterait discussion, négociation, quitte à constater, en janvier, qu’on n’y parvient pas. On préfère proclamer l’échec avant même d’avoir commencé. Alors même que 90% des électeurs de gauche veulent l’unité. Allez comprendre…  

 

 

[1] Voir sur ce point l’article très clair de Jean-Philippe Derosier, constitutionnaliste, secrétaire général d’Engageons-nous.

Laurent Joffrin

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Président du mouvement @_les_engages